Revue de presse · 7 oct. 2010 à 08:25
Comment atteindre les 30 000 expulsions du territoire par an ? Hortefeux et Besson ont trouvé l'astuce : expulser les étrangers qui étaient sur le point de partir, une heure avant le décollage de leur avion. L'histoire est racontée par un ancien membre de la police aux frontières à l'aéroport d'Orly dans un livre à paraître le 14 octobre : "Omerta dans la police" (Le Cherche midi).
Dans son édition du 6 octobre, Le Canard enchaîné raconte la trouvaille du ministère de l'immigration
Chaque jour, dans les aéroports, les policiers contrôlent des étrangers qui rentrent dans leur pays et qui possèdent des visas dont la date de validation est dépassée. Jusqu'en 2007, ces derniers bénéficiaient alors d'un simple "visa de régularisation" assorti d'une amende de 198 euros. Sauf que lorsque le ministère de l'Immigration a été créé, Hortefeux a cherché à augmenter le nombre d'expulsions par tous les moyens. Qu'à cela ne tienne ! Au lieu de donner une amende à ces étrangers, mieux vaut leur signifier un arrêté d'expulsions ! Le résultat est le même pour ces étrangers, qui de toute façon rentraient chez eux, mais par pour le ministre qui peut ainsi gonfler les statistiques.
Le Canard enchaîné publie le document qui révèle les nouvelles consignes, données "sur instructions verbales" par le préfet du Val-de-Marne de l'époque. Dans cette note de service, il est demandé aux policiers de remplacer le visa de régularisation par un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière "sans rétention administrative". En clair, l'individu doit être expulsé sur le champ. Cela tombe bien, il était sur le point de partir !
D'après Le Canard enchaîné, depuis trois ans, c'est "la fête à Orly" : "chaque jour, dans les zones d'embarquement, les flics de l'aéroport guettent le bon client, assis dans leur guérite. Dès qu'un passager se pointe au contrôle avec un visa touristique de trois mois ou un visa long séjour périmé depuis au moins "soixante jours", hop ! Les policiers lui mettent le grappin dessus. Ils avisent ensuite le préfet de leur pêche miraculeuse, lequel s'efforce de pondre dans un temps record son arrêté de reconduite à la frontière. Du travail de pros".
Pire, selon le Canard enchaîné, "les flics d'Orly disposaient carrément d'arrêtés d'expulsions vierges et présignés par le préfet du Val-de-Marne, qu'il suffisait de remplir sans même aviser les représentants de l'état. Les malheureux s'étaient en effet rendu compte que, si un contrevenant se présentait moins d'une heure avant le départ de son avion, la préfecture n'avait pas le temps de déclencher la procédure. Or, la fameuse note de service de novembre 2007 le martèle en caractère gras : "L'étranger en situation irrégulière ne devra pas manquer son vol". Surtout pas !"
Et voilà comment Besson et Hortefeux expulsent des étrangers... qui étaient sur le point de partir du territoire !
Source : Christophe Nobili, "La joyeuse fabrique policière de faux expulsés", Le Canard enchaîné n°4693, 6 octobre 2010
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BONUS : Dans certains cas, c'est pire, le ministère expulse des étrangers... en situation régulière !
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