Revue de presse · 12 jan. 2011 à 07:30
Ah les 35 heures ! Ce mal absolu qui expliquerait à lui seul la crise économique et le fameux "retard français". D'ordinaire, cet épouvantail est agité par la droite. Mais la semaine dernière, c'est Manuel Valls qui a souhaité "déverrouiller" les 35 heures. Toute la gauche a vivement réagit face à cette provocation artificielle du maire d'Evry, dont le but premier était d'attirer les caméras sur lui dans le cadre de la campagne des primaires. A la course à la modernité, tout est permis.
"Manuel est bien plus inspiré quand il parle de sujets qu'il connaît bien" a lancé, perfide, la première secrétaire du PS, Martine Aubry, qui avait fait voter la loi sur la réduction du temps de travail sous Jospin. C'est vrai qu'à la différence de Valls, Aubry connait bien le sujet : d'après Le Canard enchaîné, qui cite 20 minutes, elle aurait déjà fait sauter le verrou des 35 heures... Enfin, c'est ce qu'on pouvait penser en lisant la brève de l'hebdomadaire satirique car la réalité est plus compliquée.
Dans son numéro du 5 janvier 2010, l'hebdomadaire expliquait que dans la communauté urbaine de Lille, présidée par Aubry, "les cadres ne pourront désormais récupérer leurs heures sup' qu'au-delà de 37h30. Autrement dit, ils "perdent" 2h30 de récup'". S'agit-il d'une remise en cause de la durée légale du temps travail ? Non, a répondu le cabinet d'Aubry : "C'est purement technique afin qu'il y ait de l'équité entre les différents services et que les jours de récupération ne soient pas laissés à la discrétion des chefs de service".
Pour bien comprendre, il faut revenir au vote de cette circulaire le 25 novembre dernier au cours d'un comité technique paritaire : d'après le texte, tous les cadres et agents dont l'indice est égal ou supérieur à 380 peuvent récupérer leurs heures supplémentaires dès lors qu'ils dépassent les 37h30 hebdomadaires. C'était déjà plus ou moins le cas avant mais la règle n'était pas écrite.
Malgré ce temps de travail hebdomadaire supérieure à 35h, il ne s'agit pas d'une remise en cause de la mesure phare d'Aubry. Selon son cabinet, cité par la Voix du Nord : le "calcul du temps de travail hebdomadaire tient compte des congés particuliers dont bénéficient les fonctionnaires de l'intercommunalité - une quinzaine de jours au total - et qui s'ajoutent aux vacances et jours fériés. Les 37h30 par semaine correspondraient ainsi à 1 607 heures par an, soit l'équivalent des 35 heures telles que pratiquées dans d'autres administrations".
La clé du verrou était donc dans les jours de vacances supplémentaires dont bénéficient les cadres de la communauté urbaine de Lille : s'ils travaillent 37h30 par semaine, c'est parce qu'ils ont 15 jours de congés supplémentaires. Un détail qui avait échappé au Canard...