Questions d'actualité · 1er fév. 2011 à 08:03
C'est le dernier grand chantier de Nicolas Sarkozy : après la réforme des retraites, le locataire de l'Elysée veut s'attaquer au financement de la dépendance. Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes âgées incapables d'être autonomes va mécaniquement augmenter. D'où la nécessité de trouver des moyens de financement.
Mais cette réforme est-elle vraiment urgente ? Quelles sont les pistes proposées par le gouvernement ? En quoi cette réforme est-elle un moyen pour Sarkozy de bien préparer la présidentielle de 2012 ?
Par dépendance on se réfère à la situation des personnes âgées incapables par leur situation physique et médicale de mener une vie autonome, et qui sont par conséquent dépendantes d'aides extérieures. La réforme de la dépendance entend assurer une meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Il existe une allocation personnalisée à l'autonomie (APA), créée en 2001 par le gouvernement Jospin. Elle est versée par les Conseils généraux, et permet entre autre la prise en charge d'une aide ménagère. Un million de personnes en ont bénéficié en 2009 (contre un peu moins de 200 000 en 2002). On peut également ajouter la réduction d'impôt accordée aux personnes âgées résidant en établissement. Il existe aussi des aides sociales à l'hébergement, versée par les Conseils généraux aux personnes démunies qui vivent en établissement.
Alors qu'aujourd'hui 95% des 75-85 ans vivent chez eux, c'est un vieillissement de la population qui se profile à l'avenir, et donc une augmentation du nombre de personnes dépendantes. On parle d'environ 1% d'augmentation par an jusqu'en 2040. Tout cela s'explique d'une part par l'arrivée à un âge avancé de la génération du baby boom, mais aussi par la progression de l'espérance de vie, augmentant d'environ trois mois par an depuis dix ans. Du point de vue du financement des dépenses liées à la dépendance, il faut aujourd'hui 22 milliards d'euros par an. Dans quinze ans, il faudra vraisemblablement 10 milliards d'euros supplémentaires chaque année.
Les mesures contenues dans la future réforme de la dépendance ne sont pas exactement connues pour l'instant, seul le principal objectif est connu : assurer un financement collectif de la dépendance. Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale a procédé à la création de quatre groupes de travail, chargés de l'organisation de la phase de consultation. Les résultats devront être publiés avant l'été. Le gouvernement se chargera ensuite de prendre les mesures afin de les inclure dans le budget de la sécurité sociale pour 2012, qui se vote à l'automne 2011.
Le réel débat de cette réforme repose sur le financement de la réforme. Faut-il recourir aux assurances privées, ou bien créer une nouvelle branche de la Sécurité sociale, en plus des quatre existant déjà (retraite, maladie, accidents du travail, famille) ? Cette dernière piste serait la plus solidaire : chacun contribuerait selon ses moyens et recevrait selon ses besoins. Il est cependant peu probable que le secteur public soit en mesure de financer cette réforme de plusieurs milliards dans les conditions actuelles. D'autres solutions sont envisagées : par exemple récupérer des aides versées sur le patrimoine du bénéficiaire à sa mort. Le problème, c'est que certains pourraient être tentés de renoncer à une aide pour maintenir intacte leur succession. Dernière possibilité, la cotisation sociale généralisée des retraités est inférieure à celle des actifs. Pour financer la dépendance, un alignement pourrait être envisagé.
Le chantier de la dépendance ouvert par Nicolas Sarkozy pourrait toutefois être un leurre. D'après la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, le nombre de personnes en perte d'autonomie ne va pas exploser : il devrait passer de 1 136 000 à 1 533 600. Pour Jacques Attali, interrogé par L'Express, "la dépendance n'est pas un enjeu majeur". Selon l'UCR-CGT, "seules 45% des personnes de plus de 90 ans sont en perte d'autonomie et 85% vivent encore cure elles". Les besoins financiers sont donc relativement faibles, de l'ordre de 21 milliards d'euros aujourd'hui (soit 1,1% du PIB) sans doute 30 milliards a l'horizon 2025. Même la députée UMP, Valérie Rosso-Demord, auteure du rapport sur le sujet, le reconnait : "Le problème n'est pas dramatique. Il manque 8 milliards d'euros, il faut se détendre".
Nicolas Sarkozy cherche-t-il à dramatiser l'enjeu pour des motifs électoraux ? C'est ce que laisse entendre le directeur de BVA Opinion, interrogé par L'Express : la dépendance est un sujet "non polémique qui touche deux catégories importantes de la population. Cela vient conforter les plus de 65 ans, qui sont le cœur de cible de Nicolas Sarkozy, et les aidants familiaux, qui représentent environ 7% de la population française. Un électorat capital dont personne ne s'occupait jusqu'à présent". C'est chose faite désormais. Reste maintenant à concocter une réforme.
Par Pablo Ahumada
*** Sources :
- Anne Chemin, "Faut-il créer une cinquième branche pour la dépendance ?", Le Monde janvier 2011
- Julia Pascual, "Dépendance, la fausse réforme", L'Express, 5 janvier 2011
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