Portraits politiques · 28 fév. 2011 à 07:49
Les sondages ont finalement eu raison de Michèle Alliot-Marie. Après des semaines de révélations du Canard enchaîné et de mensonges plus ou moi évidents de la part de la ministre des Affaires étrangères à propos de ses vacances en Tunisie, Nicolas Sarkozy a contraint la ministre à démissionner. Non seulement une majorité de l'opinion le souhaitait, mais MAM avait fini par faire plonger l'exécutif lui-même : en un mois, Sarkozy a perdu quatre points, à 30% d'opinions positives.
Celle qui semblait insubmersible, après neuf années dans des ministères régaliens sous Chirac et Sarkozy, qui est passée entre les gouttes à chacune des polémiques (Clearstream, fichier Edvige, affaire Bettencourt), a finalement buté sur un Canard.
Portrait.
Michèle Alliot-Marie est née le 10 septembre 1946 à Villeneuve-le-Roi dans le Val-de-Marne. Son père, Bernard Marie est arbitre international de rugby, il est le premier français à avoir officié dans un match de rugby du Tournoi des Cinq nations en 1965. Sa mère, d'origine polonaise est chef d'entreprise.
Michèle Alliot-Marie s'intéresse à la fois à l'ethnologie, les lettres et le droit. Elle obtient un diplôme d'études supérieures de droit privé de sciences politiques et d'histoire du droit, un doctorat en droit ainsi qu'en sciences politiques. Enfin, elle passe une maîtrise d'ethnologie.
Au cours de ses études de droit, elle rencontre son futur mari, le professeur Michel Alliot qu'elle épouse en 1971. Grâce à lui, elle entre véritablement dans le milieu universitaire. Elle devient dans un premier temps, assistante à la faculté à l'université de Paris I puis maître de conférences à la Sorbonne à partir de 1984. Elle exerce également le métier d'avocate.
C'est son père qui lui donne l'envie d'entrer en politique mais sa formation universitaire et son mariage avec Michel Alliot lui permettent de fréquenter le milieu ministériel. Ainsi, dès 1972, Edgar Faure, le ministre des Affaires sociales, lui propose d'être sa conseillère technique. Elle occupe ensuite cette fonction auprès du secrétaire d'Etat aux Universités, Jean-Pierre Soisson (entre 1974 et 1976). A partir de ces expériences, elle est nommée chargée de mission aux cabinets du ministre des Départements et Territoires d'outre-mer puis du secrétaire d'État au Tourisme.
Elle devient directrice de cabinet d'Alice Saunier-Seité, secrétaire d'État puis ministre des Universités, de 1976 à 1978, avant de travailler dans le secteur privé, comme PDG de la société Uta-Indemnité entre 1979 et 1985.
Parallèlement, elle travaille auprès de son père, député de Biarritz, en tant que suppléante à l'Assemblée nationale de 1978 à 1981. Dès 1981, sur les conseils d'un ami de la famille, Jacques Chirac, elle entre au RPR.
Grâce à son père, Michèle Alliot-Marie fait son entrée en politique dans la région des Pyrénées-Atlantiques. En 1983, elle est conseillère municipale de Ciboure puis de Biarritz auprès de Bernard Marie qui l'introduit davantage encore dans la commune. Aux élections cantonales de 1994, elle est élue conseillère générale. En 1995, elle remporte la mairie de Saint-Jean-de-Luz puis les élections cantonales obtenant ainsi le poste de vice-présidente du conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Depuis, à chaque élection législative, elle conserve son siège de député.
Michèle Alliot-Marie adhère au RPR en 1981, sur les recommandations de Jacques Chirac. Dix-huit ans plus tard, elle est la première femme à être élue présidente du RPR. Mais pour accéder à cette reconnaissance, elle a dû d'abord gravir tous les échelons. Dès son adhésion au parti, elle est nommée secrétaire nationale chargée de la fonction publique. Son amitié avec Jacques Chirac lui vaut d'être nommée secrétaire d'Etat chargé de l'Enseignement dans son gouvernement entre 1986 et 1988.
Elle quitte le gouvernement lors de la victoire de François Mitterrand à la présidentielle. Toutefois, lors de la deuxième cohabitation, en 1993, Edouard Balladur, chef du gouvernement, lui propose le ministère de la Jeunesse et des Sports. Au sein du RPR, elle est chargée des études et projets puis des affaires étrangères du RPR. En 1991, elle devient alors membre du bureau politique du parti. Elle est élue en 1998 vice-présidente du groupe RPR à l'Assemblée nationale puis secrétaire nationale du parti chargée des problèmes de société, puis des élections. En 1999 est organisée l'élection à la présidence du RPR. Michèle Alliot-Marie se présente contre Jean-Paul Delevoye, François Fillon et Patrick Devedjian qui tous deux se rallient à elle au second tour. Elle remporte ainsi l'élection avec 62,71% des suffrages contre 37,29% pour Jean-Paul Delevoye. Cette victoire crée la surprise car non seulement Michèle Alliot-Marie est la seule femme à s'être présentée aux élections et surtout, le Président de la République a préféré soutenir la candidature de Jean-Paul Delevoy. Elle demeure présidente entre 1999 et 2002, c'est-à-dire jusqu'à la création du nouveau parti de droite : l'UMP. Dans un premier temps, Michèle Alliot-Marie refuse d'adhérer à un parti créé par Jacques Chirac dans un but purement stratégique : rassembler les sensibilités de droite et du centre en vue des élections législatives et présidentielle. Finalement, elle se rallie au parti et devient membre du bureau de l'UMP.
En 2002, Jean-Pierre Raffarin désigne Michèle Alliot-Marie à un poste à priori inattendu pour une femme : celui de la Défense, poste qu'elle occupera jusqu'en 2007. Elle est en effet la première femme jusqu'alors à occuper ce ministère. Rapidement, elle réussit à s'imposer à la tête des armées si bien que lorsque Jean-Pierre Raffarin est démis de ses fonctions, elle est rappelée par Dominique de Villepin pour occuper le même poste.
Un temps inquiétée par l'affaire des faux listings de Clearstream, MAM parvient à passer entre les gouttes.
En 2006, elle décide dans un premier temps de soutenir la candidature de Jacques Chirac en vue de l'élection présidentielle. Suite à la défection du Président, elle hésite à se présenter elle-même. Mais les sondages la classant très loin derrière Nicolas Sarkozy, elle finit par se rallier à lui en échange d'une promesse de portefeuille ministériel.
Figure du courant gaulliste au sein de l'UMP, Alliot-Marie fait partie des rares ministres de Chirac à être maintenue au gouvernement après l'élection de Nicolas Sarkozy. Entre 2007 et 2010, elle occupe trois ministères régaliens, après avoir passé cinq ans au ministère de la Défense sous Chirac. Nicolas Sarkozy l'a nomme d'abord à l'Intérieur, puis à la Justice, et enfin les Affaires étrangères.
Jusqu'aux révélations sur son voyage controversé en Tunisie, Alliot-Marie avait réussi à passer à travers les mailles du filet. Premier round au ministère de l'Intérieur. Nommée place Beauvau pour succéder à Sarkozy lui-même, elle a laissé peu de souvenirs de son passage, à l'exception de deux polémiques, les fausses accusations dans l'affaire de Tarnac et la polémique sur le fichier Edvige, modifié en catastrophe. Première alerte.
En juin 2009, Sarkozy la nomme au ministère de la Justice, en remplacement de Rachida Dati. Là encore, elle arrive dans un ministère ou l'essentiel du travail a été fait : la nouvelle carte judiciaire avec la suppression de nombreux tribunaux est en cours d'application. Discrète comme à son habitude, elle se retrouve pourtant au coeur de l'affaire Woerth/Bettencourt quand l'un de ses collaborateurs, David Sénat, est accusé d'être l'une des sources qui alimente la presse dans ce feuilleton politico-judiciaire. Deuxième alerte, mais MAM tient bon et assure qu'elle n'était pas au courant. Comme en 2005, quand elle est soupçonnée de ne pas avoir alerté Sarkozy des développements de l'affaire Clearstream le mettant en cause.
Passée au ministère des Affaires étrangères en novembre 2010, MAM se rend un mois après en Tunisie pour les vacances de Noël alors que les émeutes ont commencé dans ce pays. S'ensuit une succession de révélations et de mensonges sur un jet privé affrété par un homme d'affaires du clan Ben Ali, des approximations dans les dates pour tenter de noyer le poisson jusqu'aux révélations sur le réel motif du voyage : la signature d'une transaction commerciale entre les parents de MAM et cet homme d'affaires sulfureux. Alliot-Marie a menti mais jusqu'au bout, elle refusera de démissionner. Avant d'être mise devant le fait accompli. A 65 ans, cette sortie du gouvernement sous les coups de patte du Canard enchaîné sonne sans doute la fin de sa carrière politique.
ASD & JLR
*** Sources
- Vanessa Schneider, "MAM, la fin d'une imposture", Marianne, 12 février 2011
- "La descente aux enfers de Michèle Alliot-Marie", Lemonde.fr, 27 février 2011
- Marion Brunet, "Le parcours sans-faute de MAM jusqu'au Quai d'Orsay", Lefigaro.fr, 27 février 2011
L'affaire MAM/Ben Ali :
- Mensonge 1 : "Le jeune qui s'est immolé au feu, c'était le jour de notre arrivée"
- Mensonge 2 : "Je l'ai accompagné pendant 20 minutes de trajet en avion"
- Mensonge 3 : "Il n'a pas mis son avion à ma disposition, nous l'avons accompagné "
- Mensonge 4 : "Je n'ai eu aucun contact priviligé avec [Ben Ali]" pendant le voyage
BONUS : Le mystérieux sondage de l'administration d'Alliot-Marie : 125 000 euros pour savoir si tout va bien au G20 ?
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Quiz : Qui Alliot-Marie avait-elle remplacé au ministère des Affaires étrangères ?