Enquête · 2 mar. 2011 à 08:31
Après neuf ans passés au côté de Nicolas Sarkozy dans les différents ministères et à l'Elysée, Claude Guéant fait son entrée au gouvernement au poste de ministre de l'Intérieur. Ancien préfet, il connaît tous les rouages de ce ministère clé pour l'élection présidentielle de 2012.
Portrait.
Claude Guéant est originaire du Nord. Il est né à Vimy, en 1945, entre Lens et Arras. Son père est employé dans une société de transport et sa mère est institutrice. Une fois son baccalauréat en poche, il part un an en stage aux Etats-Unis grâce à une bourse destinée aux élèves les plus méritants. Dès son retour, il quitte le Nord pour faire des études à Paris. Il commence par faire du Droit puis intègre Sciences Po et l'ENA. Il sort 17ème ce qui lui permet de choisir un corps de métier prestigieux mais il hésite entre trois voies : la diplomatie, le trésor et la préfectorale. Par nostalgie, sans doute, il revient dans le Nord faire son stage de l'ENA de deux mois comme mineur.
Le choix de la préfectorale étonne ses camarades à une époque où les étudiants sont dans la rue pour manifester. Choisir cette voie, c'est clairement se placer du côté des forces de l'ordre et par conséquent passer pour un « briseur de grèves ». Mais Claude Guéant s'en moque préférant se tenir à l'écart des manifestations étudiantes. En mai 68, il fait son service militaire à Saumur et ne se tient pas au courant de l'agitation étudiante.
Claude Guéant est nommé directeur de cabinet du préfet du Finistère, puis secrétaire général pour les affaires économiques de la Guadeloupe en 1974. Trois ans plus tard, il entre véritablement dans le monde de la politique en devenant conseiller technique chargé des questions de sécurité auprès de Christian Bonnet, ministre de l'Intérieur de Valéry Giscard d'Estaing. A 41 ans, il change de poste pour être alors nommé secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine, poste qu'il occupe entre 1986 et 1991. Charles Pasqua, président du Conseil général des Hauts-de-Seine, le repère. Il lui propose d'être son directeur adjoint de cabinet au ministère de l'Intérieur. Même si les deux hommes ne partagent pas les mêmes valeurs, Claude Guéant fait montre de rigueur et d'ordre. Grâce à ces qualités, Charles Pasqua garde sa confiance et le nomme directeur général de la Police nationale en 1994. Il collabore ensuite avec Jean-Louis Debré et Jean-Pierre Chevènement. Sans étiquette politique, Claude Guéant collabore aussi bien avec des ministres de gauche comme de droite. Entre 1998 et 2002, il exerce la fonction de préfet. Après la réélection de Jacques Chirac, il entre comme directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, sur les conseils de Charles Pasqua.
Le grand projet de Claude Guéant consiste à réformer la fonction policière pour redonner une véritable hiérarchie entre les différents grades du corps de police. Claude Guéant travaille donc à la réorganisation complète de la police. Il souhaite revoir les emplois, les statuts comme les affectations. Pour mener à bien son projet, il négocie avec les syndicats pour mettre un terme à la guerre des polices afin de rendre plus efficace une police considérée comme « le bras armé de la société ».
Avec Nicolas Sarkozy, il organise différents plans d'actions spectaculaires comme l'arrestation du déséquilibré, HB, qui prend en otage une classe d'enfants et leur institutrice dans une école de Neuilly-sur-Seine le 13 mai 1993, ou bien l'arrestation d'Yvan Colonna, le meurtrier présumé du préfet Claude Erignac le juillet 2003.
Testé à l'Intérieur, transféré avec succès au ministère de l'Economie, mis en réserve dans les Hauts de Seine, Claude Guéant a suivi Nicolas Sarkozy dans ses différents postes depuis 2002. Son profil d'homme sérieux, intègre, discret et bourreau de travail donne l'idée à Nicolas Sarkozy de lui confié le poste de secrétaire général de l'Elysée.
Depuis 2002, Claude Guéant suit Nicolas Sarkozy dans tous ses ministères. Aussi quand ce dernier se présente à la présidentielle, il n'hésite pas : c'est le préfet qui sera son directeur de campagne. Les deux hommes sont antithétiques et complémentaires. Claude Guéant est chargé de conseiller Nicolas Sarkozy dans sa conquête de l'Elysée. Suite à l'incident du Salon de l'agriculture où le candidat a lâché un « pauvre con » à l'un des visiteurs, Claude Guéant s'est occupé de la presse mais surtout de prendre de nouvelles mesures de sécurité permettant d'éviter ce genre d'incident fâcheux... Contrairement à la plupart des autres collaborateurs de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant s'en tient à des relations strictement professionnelles ainsi qu'au vouvoiement.
Quand Nicolas Sarkozy est élu, il décide de nommer le préfet secrétaire général de l'Elysée au grand dam de Brice Hortefeux qui était persuadé que ce serait lui qui aurait le poste tant convoité.
Avec le président de la République, Claude Guéant organise une sorte de gouvernement bis qui court-circuite le travail du Premier ministre. Le secrétaire général est chargé par exemple de recadrer l'action du gouvernement si le président estime que quelque chose ne va pas. En 2007, Christine Lagarde annonce publiquement que l'année 2008 sera difficile et connaîtra une croissance moins forte que prévue. Aussitôt, Claude Guéant s'exprime à son tour pour la contredire. Entre 2007 et 2010, il réunit chaque matin son équipe, anime les débats et apporte des idées au président en permanence. Pendant cette période, Claude Guéant est donc en concurrence directe avec François Fillon qui n'apprécie guère cette mainmise sur son travail.
Lors du remaniement du 27 février 2011, Nicolas Sarkozy décide de nommer Brice Hortefeux conseiller à l'Elysée tandis que Claude Guéant, lui, récupère son portefeuille, au ministère de l'Intérieur. Une récompense pour Guéant qui a cru obtenir ce poste en novembre 2010 ce poste lors du précédent remaniement ministériel. À cette époque, le Président lui préfère Hortefeux. Toutefois, le secrétaire général, lors des entretiens avec les journalistes reste stoïque, affirmant : « Je ne demande rien au président de la République. Croyez-moi quand je vous dis que je suis très bien à mon poste. »
Finalement, envisageant la campagne présidentielle prochaine et voyant se profiler une nouvelle condamnation d'Hortefeux pour ses propos sur les Auvergnats, Sarkozy décide de le remplacer par Guéant, son homme de confiance, qui connaît parfaitement les dossiers concernant la sécurité. Ce changement d'affectation est purement formel : depuis 2007, Guéant se mêle de sécurité, relayant par exemple Alliot-Marie au rang de simple communiquant lorsqu'elle était place Beauvau.
Le départ du bras droit de Sarkozy de l'Elysée est perçu comme une clarification du fonctionnement des institutions, Guéant étant considéré jusqu'alors comme un vice-premier ministre bis. En le faisant entrer au gouvernement, "on revient à un fonctionnement normal de l'Élysée", affirme un proche de Sarkozy. Pour Alain Juppé, devenu ministre des Affaires étrangères, ce départ était une condition sine qua non à son arrivée dans ce ministère : Guéant avait pour habitude de s'attribuer les dossiers diplomatiques concernant l'Afrique et le Moyen-Orient. Désormais, Juppé a les coudées franches à la tête de la diplomatie. Et Guéant, remplacé par Xavier Musca au secrétariat général de l'Elysée, entame une nouvelle carrière politique à 66 ans, lui qui n'a jamais été élu.
Par Anne-Sophie Demonchy
Sources :
- Christian Duplan et Bernard Pellegrin, Claude Guéant, L'Homme qui murmurait à l'oreille de Sarkozy, 2008
- Saïd Mahrane, "Claude Guéant touche son rêve", Le Point, 27 février 2011
- Charles Jaigu, "Guéant, l'éminence grise en première ligne", Le Figaro, 27 février 2011
Claude Guéant, l'homme qui murmure à l'oreille de Sarkozy
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