Portraits politiques · 16 mai 2011 à 22:51
Il ne s'est jamais déclaré candidat à la présidentielle de 2012. Et pourtant, il figurait comme le principal favori selon les derniers sondages effectués la semaine dernière. Mais samedi 14 mai, Dominique Strauss-Kahn a été arrêté aux Etats-Unis sur la base de graves accusations.
Portrait.
Dominique Strauss-Kahn est né en 1949 à Neuilly-sur-Seine mais il passe son enfance entre le Maroc et Monaco. Sa famille rentre en France suite à un terrible tremblement de terre à Agadir. Après avoir fait des études de commerce à HEC, il poursuit des études politiques à l'IEP de Paris puis du droit public et de sciences économiques. Il obtient son agrégation de sciences économiques. Il a enseigné à l'Université de Nancy puis à celle de Nanterre, à l'ENA et à l'IEP de Paris. En 1971, il travaille au Centre de recherche sur l'épargne. Il devient président de la Commission des finances. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Paul Hermelin (qui deviendra son directeur de cabinet à l'Industrie en 1991) et de Denis Kessler (avec qui, onze ans plus tard il publiera L'épargne et la retraite). Parallèlement à sa carrière politique, DSK est avocat à la Cour en 1993. Il crée le cabinet DSK Consultants pour exercer le métier d'avocat d'affaires.
Dominique Strauss-Kahn commence sa carrière politique aux côtés de Jean-Pierre Chevènement au Centre d'études, de recherches et d'éducation socialiste. Il quitte bientôt le parti pour se rapprocher du premier secrétaire du Parti socialiste, Lionel Jospin.
Il se présente aux élections législatives de 1986 et est élu député de Haute-Savoie. Il se présente de nouveau en 1988, dans le Val d'Oise. Il est réélu. Au cours de ces deux années, il est secrétaire national du PS, chargé des études et du programme. Entre 1988 et 1989, il est chargé de l'économie et des finances. En 1991, François Mitterrand le désigne comme ministre délégué à l'Industrie et au Commerce extérieur dans le gouvernement d'Édith Cresson puis dans celui de Pierre Bérégovoy.
En 1993, Michel Rocard demande à DSK de présider le « groupe des experts du PS ». Il perd les élections législatives dans la circonscription de Sarcelles et Garges-lès-Gonesse. Pourtant en 1995, il est élu maire de Sarcelles.
Il épouse alors la journaliste Anne Sinclair, qui doit renoncer à son émission Sept sur Sept lorsque son mari devient ministre de l'Économie et des Finances en 1997. De son côté, il quitte sa fonction de maire.
Lorsqu'il devient Premier ministre, Lionel Jospin appelle DSK dans son gouvernement et le nomme ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Grâce au retour de la croissance et à la baisse du chômage, Dominique Strauss-Kahn fait désormais partie de ceux qui comptent dans le paysage politique. Il est par conséquent en tête des listes des socialistes aux élections régionales de 1998 en Ile-de-France. Il remporte la victoire.
En tant que ministre, il réussit à mettre en œuvre la TVA à 5.5% sur les travaux de rénovation dans le bâtiment ce qui permet de relancer l'activité du secteur et de redresser les comptes budgétaires. Il privatise pourtant France Telecom alors que le Premier ministre avait garanti le contraire. De même il s'oppose aux 35 heures mis en place par la ministre Martine Aubry. Ses méthodes sont plus libérales que celles du parti socialiste en général. Il rassemble néanmoins jospiniens et rocardiens au sein du courant Socialisme et Démocratie.
Le 2 novembre 1999, DSK donne sa démission au Premier ministre : il a été mis en cause dans les médias dans une affaire sur des rémunérations de complaisance par la MNEF (mutuelle nationale des étudiants de France) puis dans l'affaire Elf. Finalement, il est complètement blanchi et les affaires ont abouti à un non-lieu deux ans plus tard.
En 2002, tandis que Jacques Chirac est réélu président de la république, l'UMP remporte les élections législatives. La Droite est donc au pouvoir. L'opposition doit s'organiser. Dominique Strauss-Kahn est secrétaire national du PS puis membre du bureau national du PS enfin secrétaire national du PS, chargé des élus entre 2005 et 2007. C'est avec Martine Aubry et Jack Lang qu'il s'occupe du projet socialiste pour 2007.
Proche de Michel Rocard, il fonde avec lui le club de réflexion À gauche en Europe et préside avec Jean-Christophe Cambadélis, le courant Socialisme et Démocratie. Proeuropéen, il s'engage en faveur du « oui » au traité de la Constitution pour l'Europe.
En 2006, la campagne présidentielle s'organise au sein du PS. Trois candidats se présentent aux primaires : Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius et Ségolène Royal. DSK est un candidat social-démocrate. Il est ainsi fortement soutenu par Michel Rocard, Robert Badinter et le Socialisme et démocratie jeunes. Finalement, après trois débats opposants les candidats du PS, le 16 novembre 2006, DSK n'obtient que 20.83% des voix des militants contre 60,60% pour Ségolène Royal.
Au cours de la campagne, DSK ne cessera de critiquer la candidate aux élections présidentielles, déplorant son manque d'expérience, son inaptitude à endosser une tâche aussi importante. Celle-ci fait sa campagne seule, loin des éléphants. Sur les conseils de ses plus proches collaborateurs, elle accepte leur aide mais en vain. DSK est notamment sollicité pour étudier le budget prévu, elle n'en tient pas compte. Lorsque François Bayrou annonce, juste avant le premier tour, qu'il accepterait de s'allier avec certains membres socialistes et notamment DSK, celui-ci est hésitant mais il garde sa position jusqu'à la défaite de Bayrou puis de Ségolène Royal pour accepter de participer au gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Suite à la défaite du PS à l'élection présidentielle, Dominique Strauss-Kahn appelle à une rénovation du parti en s'ouvrant vers une voie plus social-démocrate. Aux élections législatives de 2007, il se présente de nouveau dans la huitième circonscription du Val d'Oise. Il remporte les élections avec 55.5% des voix.
Le président de la République, dans sa politique d'ouverture, a proposé à Dominique Strauss-Kahn de se présenter en tant que candidat de la France à la tête du Fonds monétaire international (FMI). L'Europe lui a apporté majoritairement son soutien le 10 juillet 2007. De même, les États-Unis, la Chine et une grande partie des pays d'Afrique défendent cette candidature. La Russie, en revanche, a présenté un autre candidat, Joseph Tosovsky pour que cette élection ne soit pas un plébiscite.
Elu haut la main, il est donc devenu directeur du FMI pour une durée de 5 ans. Mais il n'a pas renoncé à ses ambitions nationales et garde toujours un œil sur le PS, même si ses nouvelles responsabilités l'obligent à démissionner de son poste de député du Val d'Oise.
Très rapidement, une affaire de mœurs éclabousse sa réputation aux Etats-Unis : dans son édition du 18 octobre 2008, le Wall Street Journal révèle qu'une enquête interne a été ouverte au FMI mettant en cause son directeur. En effet, Dominique Strauss-Kahn est soupçonné d'entretenir une liaison avec l'une de ses subordonnées, Piroska Nagy, ex responsable du département Afrique du Fonds. L'affaire prend de l'ampleur en France comme à l'international si bien que DSK est obligé de présenter des excuses publiques. Finalement, celui-ci est disculpé puisque l'enquête montre que Pirosha Nagy n'a pas bénéficié de traitement de faveur et n'a pas été victime de « harcèlement, ni de favoritisme, ni aucun autre abus de pouvoir ». Toutefois, le FMI reproche à son directeur une « grave erreur de jugement » dans cette affaire.
Pendant la crise mondiale, le FMI veut porter secours aux pays les plus endettés. En Grèce, par exemple, il accorde un prêt de 30 milliards d'euros en échange de quoi, le pays doit s'engager à baisser les salaires des fonctionnaires, les charges sociales et allonger la durée du temps de travail. Au sein du parti socialiste français, le directeur du FMI est considéré avec une certaine suspicion notamment par Arnaud Montebourg, Ségolène Royal qui estiment qu'il remet en cause nombre d'acquis sociaux et principes de gauche.
Parce qu'il est tenu au silence, DSK ne peut se prononcer sur sa candidature à la présidentielle de 2012. Les sondages le placent, jusqu'en mai 2011, largement en tête des possibles candidats socialistes à l'élection. Il est même donné gagnant parmi tous les candidats au second tour. Pourtant, ses obligations au FMI l'obligent à se taire. Ce ne sera qu'en été 2011, qu'il est censé annoncer s'il est candidat aux primaires socialistes. En effet, les candidatures officielles doivent être déposées entre le 28 juin et le 13 juillet 2011. Suite à un accord passé avec Martine Aubry, ce sera lui ou la secrétaire du parti qui se présentera aux primaires.
Cependant, en mai 2011 tout bascule pour le patron du FMI. Celui-ci est d'abord attaqué sur sa fortune. Le Parisien publie une photo montrant Dominique Strauss-Kahn et son épouse Anne Sinclair à bord d'une Porsche, en route vers un QG potentiel pour la campagne présidentielle. Cette photo crée la polémique et les journaux font les choux gras de cette anecdote.
Mais c'est le 14 mai 2011 que la carrière internationale comme nationale de Dominique Strauss-Kahn est mise en péril. Le patron du FMI est inculpé d'agression sexuelle par le parquet de New York. Arrêté par la police, il est soupçonné d'acte sexuel criminel, de tentative de viol et de séquestration, suite aux accusations d'une femme de chambre de 32 ans, employée dans un hôtel Sofitel de Manhattan. Dominique Strauss-Kahn sera jugé aux Etats-Unis. Il plaide non coupable mais sa candidature à la présidentielle paraît dores et déjà compromise.
par Anne-Sophie Demonchy
Sources
« Strauss-Kahn ou la tentation de Washington », in Le Figaro du 11 juillet 2007
« Dominique Strauss-Kahn présente ses excuses », in Le Figaro du 21 octobre 2008
« Sondages : DSK reste le mieux placé des socialistes », in Le Monde du 18 février 2011
« Affaire DSK : Le gens vont penser qu'il n'y a pas de fumée sans feu », in Le Point du 16 mai 2011
« DSK veut se défendre vigoureusement » , in Le Point du 16 mai 2011