Revue de presse · 2 sep. 2011 à 22:08
On s'en doutait, encore fallait-il l'écrire noir sur blanc. Le principal syndicat des chefs d'établissement, le SNPDEN, vient de rendre publique une enquête menée auprès de 1500 collèges et lycées sur les conséquences des 16 000 suppressions de postes dans l'Éducation nationale, pour cette rentrée. Titrée "À quel prix les établissements vont-ils payer la rentrée techniquement réussie ?", l'enquête montre comment les chefs d'établissement redéployent leurs moyens pour palier les 60 000 suppressions de postes depuis 2007.
Résultats ? Hausse des heures supplémentaires, fin des dédoublements de classe... et réduction des aides aux devoirs.
Alors qu'à l'Éducation nationale, tout enseignant peut se voir obligé d'accepter une heure supplémentaire, au-delà, il peut les refuser. Mais depuis quelques années et de plus en plus fréquemment, les chefs d'établissement, soutenus voire encouragés par l'Inspecteur d'Académie, proposent sinon imposent des heures supplémentaires aux enseignants. Cette augmentation du nombre d'heures supplémentaires permet ainsi d'économiser des postes : environ 4 sur un établissement qui en compte 42. Il n'est quasiment pas permis à un enseignant de refuser ces heures puisqu'aucun professeur supplémentaire ne peut être affecté dans l'établissement. En cas de refus de ces heures sup, il revient donc aux autres collègues de supporter ces heures à effectuer.
D'autre part, la rentrée scolaire s'effectue avec 0,4 poste en moins par établissement (selon les statistiques du ministère), ce qui signifie que désormais un professeur risque de ne plus avoir un poste complet dans un établissement mais devra compléter son temps de service dans un autre établissement. Les moments de concertation entre les membres d'une même équipe pédagogique risquent ainsi de se raréfier.
Pour économiser des postes, certains chefs d'établissement n'hésitent plus à supprimer les cours à effectifs réduits. Il apparaît pourtant bien difficile de progresser en langue dans une classe comptant trente élèves ou en cours de mécanique ou de cuisine... En effet, ces aménagements valent pour les lycées professionnels où les élèves sont pourtant censés manipuler et expérimenter des techniques de travail.
La réforme du lycée voulait laisser la part belle à l'aide personnalisée. Or, avec la réduction du nombre de postes d'enseignants, les chefs d'établissement acceptent, pour certains d'entre eux, de trancher dans le budget de l'aide aux devoirs et autres cours à effectifs très réduits.
Tous les projets éducatifs sont les premiers à disparaître en cas de pénurie puisque, comme l'explique, le secrétaire général du SNPDN, Philippe Tournier : « On supprime tout ce qui est qualitatif. L'objectif du ministère, c'est que surtout les suppressions de postes ne se voient pas. Cela ne se verra pas forcément le 5 septembre, mais cela se verra dans l'enquête Pisa 2012. » En effet, l'enquête Pisa permet d'évaluer le niveau en sciences et lecture des jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l'OCDE et dans de nombreux pays partenaires. La prochaine enquête aura ainsi lieu en 2012.
En 2009 déjà, les résultats n'étaient pas brillants comme le rappelait Le Monde : « Pour la France, les résultats de PISA 2009 sont mauvais à plusieurs titres. D'abord parce que les résultats bruts sont juste à la moyenne des pays de l'OCDE, ensuite parce que la courbe depuis la première session, en 2000, est à la baisse, et aussi parce qu'ils montrent un système de plus en plus injuste. Alors que la moyenne des pays de l'OCDE tourne autour de 500 points, la France obtient 496 en compréhension de l'écrit, 497 en mathématiques et 498 en sciences. En compréhension de la lecture, les élèves français chutent de 9 points et de 6 places, passant de la 12e à la 18e places en dix ans. [...] En mathématiques, toutefois, impossible de masquer la chute. La France descend de la 13e à la 16e place, et surtout perd 14 points depuis 2003. »
Mais, le ministre ne semble pas tenir compte de ces résultats et du rapport montrant que l'école ne corrige que très mal les injustices de naissance. "En France l'impact du milieu socio-économique sur la performance est plus grand que dans la moyenne des pays de l'OCDE. Les diverses caractéristiques du milieu familial expliquent 28 % de la note", rappelle Eric Charbonnier, le responsable de PISA France. Et ce pourcentage est en hausse.
Malgré ces inégalités grandissantes, Luc Chatel a décidé de réduire plus encore le budget alloué aux établissements en difficulté. D'après l'enquête menée par le SNPDEN, 33% des établissements CLAIR (collèges et lycées pour l'innovation, l'ambition et la réussite) vont réduire les dispositifs de remédiation et aides personnalisées (alors qu'en moyenne, sur l'ensemble des établissements, la proportion d'établissement constatant une baisse de moyens est de 27%).
Loin de partager ces craintes et ces scrupules, Luc Chatel assure que le "défi de l'école aujourd'hui, c'est moins celui de la quantité que de la qualité". Cette rentrée 2011 est donc "techniquement réussie".
ASD
*** Sources
- Le rapport du SPDEN : Document PDF.
- Lucie Delaporte, « Education: le prix des suppressions de poste », Mediapart, 29 août 2011
- Marie-Sandrine Sgherri, « Quand le mammouth n'a plus que la peau sur les os », Lepoint.fr, 30 août 2011
- Maryline Baumard, « L'école française mal classée et jugée injuste », Le Monde, 7 septembre 2010
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