Questions d'actualité · 21 nov. 2011 à 23:57
Une mesure symbolique... pour des économies qui le sont tout autant ? La règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est présentée depuis 2007 comme le gage de la lutte du gouvernement contre la dette et les déficits publics. Le principe est simple : quand deux fonctionnaires partent à la retraite, seul un nouveau fonctionnaire est embauché pour compenser ces départs.
Combien cette mesure a-t-elle réellement rapporté à l'Etat ? Ces économies ainsi réalisées ont-elles permis de réduire le déficit public ou ont-elles servi à compenser, en partie ou en totalité, des baisses de recettes fiscales comme par exemple la baisse de la TVA dans la restauration ?
Tentons de faire les comptes.
Avec la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, l'Etat a réduit ses effectifs de 150 000 fonctionnaires. Montant des économies réalisées ? Près de 4 milliards d'euros. "Problème : pour faire passer la pilule auprès des fonctionnaires restants, le gouvernement en a redistribué la moitié sous forme de primes. Au total, l'économie nette, sur l'ensemble du mandat, n'est que de 2 milliards d'euros, soit 400 millions par an en moyenne", remarque Libération.
En réalité, ce chiffre de 400 millions d'euros est théorique. Car dans la réalité, l'Etat a fait moins d'économies. Selon Le Monde, malgré ces diminutions de poste, "la masse salariale a augmenté d'environ 1 % ces trois dernières années". Pourquoi ?
- D'abord parce que ces suppressions de postes ont été compensées par des revalorisations de salaires dans la fonction publique plus importantes que prévues. "Le gouvernement avait prévu que la moitié des économies dégagées grâce à la règle du "un sur deux" serait reversée aux agents. Le montant des "réversions catégorielles" est en moyenne "de plus 60%", résume M. de la Verpillière", un rapporteur de la Mission d'évaluation et de contrôle (Mec) de l'Assemblée nationale qui a évalué les gains de cette mesure.
- Certaines primes à la fusion distribuées dans des services qui supprimaient des postes (notamment au ministère des finances) ont également été plus élevées que ce que le budget prévoyait.
- Enfin, une partie du personnel de l'Etat dépend d'opérateurs qui ont eu tendance à compenser les suppressions de postes par l'embauche d'agents non contractuels.
Résultats, le rapport de la Cour des comptes, cité par Le Monde, précise que "l'économie nette pour le budget de l'Etat était de 100 millions d'euros contre 400 millions initialement prévus. En 2010, elle aura été de 264 millions d'euros, soit 180 millions de moins qu'espéré".
Le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est une mesure sans cesse martelée par le gouvernement pour médiatiser sa lutte contre les déficits. Pourtant, les économies réalisées sont à relativiser en comparaison d'autres mesures particulièrement coûteuses et qui ont largement annulé les effets comptables du non remplacement de ces fonctionnaires. Exemples : la TVA sur la restauration (qui est passée de 19,6% à 5,5% avant de remonter à 7%) coûte chaque année... 2,5 milliards d'euros par an. Le bouclier fiscal, en vigueur entre 2007 et 2011, a coûté entre 400 et 700 millions d'euros chaque année.
Autrement dit, avec des économies estimées chaque année entre 100 (fourchette basse) et 400 millions d'euros (fourchette haute), la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est loin d'avoir compensé le manque à gagner de certaines pertes de recettes fiscales comme le bouclier ou la baisse de la TVA dans la restauration.
Le gouvernement peut-il alors aller encore plus loin en accélérant les suppressions du nombre de postes de fonctionnaires ? Un rapport parlementaire d'octobre 2011 indique plutôt le contraire : "Nous sommes arrivés au terme des effets de la diminution mécanique du nombre de postes", précise l'un des rapporteurs. Le nombre de départ à la retraite dans la fonction publique a atteint un pic qui devrait redescendre autour de "40 000 départs en retraite par an à l'horizon 2014-2015". Il faudra donc chercher les économies ailleurs...
*** Sources
- Béatrice Jérôme, "Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a atteint ses limites, selon un rapport parlementaire", Lemonde.fr, 12 octobre 2011
- Luc Peillon, "Des remèdes désavoués par les agences de notation", Libération, 24 octobre 2011