Comment Sarkozy a mis en scène le faux sauvetage de SeaFrance en soutenant le projet de scop

Belle manoeuvre en plein naufrage. Alors que la ministre des transports, Nathalie Kosciusko-Morizet, et son collègue Thierry Mariani (le recordman des miles d'Air France) affirmaient que le projet de coopérative (scop) proposé par la CFDT pour sauver SeaFrance relevait du "fanatisme qui nous mène au suicide collectif" (du Mariani dans le texte), le gouvernement a finalement décidé de faire volte-face dans l'après-midi du 2 janvier en soutenant le projet de scop, statut qui permet aux salariés de devenir propriétaire de l'entreprise qui est en train de couler. Comment expliquer ce revirement tactique ? Le gouvernement est-il en train de se convertir au capitalisme coopératif ? Pas vraiment.

Dans son édition du 4 janvier, Le Canard enchaîné raconte les coulisses de ce faux sauvetage. Tout a basculé le matin du 2 janvier quand Nicolas Sarkozy s'est emparé du dossier lors d'une réunion à l'Elysée. "En cette période où le chômage bat des records, il s'agissait pour Sarkozy d'éviter à tout prix la mésaventure de Lionel Jospin. Lequel, à la veille de la présidentielle de 2002, avait déclaré aux futurs licenciés de l'usine Lu d'Evry que le gouvernement ne peut pas imposer sa loi à chaque entreprise. Effet désastreux garanti", note Le Canard.

Selon des propos rapportés au volatile, Nicolas Sarkozy aurait alors déclaré ceci : "Même si on n'y est pour rien, la liquidation de SeaFrance retombera sur le gouvernement, il faut donc s'en mêler. Cela ne sert à rien de polémiquer en disant que l'offre la plus sérieuse a été repoussée. Il faut soutenir le seul dossier qui reste, celui de la création d'une Scop". Sous-entendu : même si on n'y croit pas. Et voilà comment la SNCF a sorti son joker en proposant aux 800 salariés de sa filiale "les indemnités supralégales exceptionnelles" pour leur permettre d'investir dans la futur scop. Et Sarkozy d'ajouter, d'après Le Canard : "Chaque salarié de SeaFrance sera libre de participer ou non à cette Scop. Nous, on aura tiré notre épingle du jeu".

On connait la suite : les syndicalistes de SeaFrance ont refusé le projet de scop piloté par le gouvernement, car jugé trop risqué. Et Nicolas Sarkozy a réuni ce dimanche 8 janvier une réunion interministérielle à l'Elysée pour la sauvegarde de SeaFrance. Qu'en est-il ressorti ? Que "le président est très préoccupé par l'avenir des 800 salariés de SeaFrance". Formidable ! Ca méritait bien une dépêche AFP. La liquidation judiciaire pourrait être annoncée dès lundi.


*** Sources
- "Un sauvetage en CinémaScop", Le Canard enchaîné n°4758, 4 janvier 2012, page 2
- Valérie Collet, "Le projet de Scop SeaFrance prend l'eau", Lefigaro.fr, 5 janvier 2012
- "SeaFrance: Nicolas Sarkozy a présidé la réunion interministérielle", AFP, 8 janvier 2012

Et pendant ce temps, Sarkozy essayait aussi de récupérer la figure de Jeanne d'Arc, laissée jusqu'à présent au Front national.
>> Pourquoi l'extrême droite a-t-elle choisi Jeanne d'Arc comme symbole ?