L'argent du pouvoir · 3 oct. 2012 à 14:02 · 0
Vous cherchez un emploi fictif ? Adressez-vous à votre mari député ! Dans son livre intitulé "Chers élus", le journaliste Vincent Quivy raconte comment les députés et les sénateurs embauchent à tour de bras leur femme ou leurs enfants en tant qu'assistant parlementaire... sans exiger le moindre travail. Une manière de détourner les crédits collaborateurs et d'augmenter ainsi les revenus du foyer.
Episode 12 : Le jackpot des "assistants familiaux".
Chaque mois, un parlementaire reçoit une enveloppe de 9 066 euros pour rémunérer ses collaborateurs. A charge pour ce député ou ce sénateur de choisir le nombre de ses collaborateurs, la répartition de leur salaire, leur profil. Et pas besoin de passer le concours d'assistant parlementaire, il n'existe pas : les critères de recrutement sont laissés "à la discrétion de l'élu". Et qui dit absence de règles, dit forcément dérives.
Le journaliste Vincent Quivy explique ainsi que "votre député peut, avec ce crédit, employer qui il veut, y compris sa femme, ses enfants ou ses amis. Les moins vertueux peuvent ainsi décider de garder une part de l'enveloppe pour rémunérer un des leurs sans pour autant exiger une présence effective ou un travail contraignant. En versant un salaire à son conjoint, votre parlementaire peut augmenter les revenus de son couple assez facilement".
Le phénomène est mal connu. En 1999, Le Nouvel Observateur expliquait qu'il s'agissait d'un "des secrets les mieux gardés de la République". A l'époque, l'hebdomadaire estimait qu'un député sur quatre et un sénateur sur trois employaient un "assistant familial" sur le crédit collaborateurs. L'un des vice-présidents du Sénat de l'époque, avait donné un chiffre précis : 92 collaborateurs avaient des liens avec les sénateurs (27 conjoints, 49 enfants, 12 beaux-enfants et 4 petits enfants). 28% des sénateurs avaient embauché des "assistants familiaux". A l'assemblée, la proportion était du même ordre : entre 20% et 30% des députés avaient recourt aux emplois familiaux. Et de l'avis d'un parlementaire, "10% maximum des épouses de députés rémunérées effectuent un vrai boulot". De vrais emplois fictifs !
Face à ces dérives, le Sénat a tout de même fixé de nouvelles règles : "les assistants doivent désormais avoir le bac, les parlementaires ne peuvent employer plus d'un membre de leur famille et le salaire versé ne peut être supérieur au tiers de la dotation". Il n'en reste pas moins que les suspicions d'emplois fictifs persistent, notamment à l'Assemblée nationale...
En juin 2009, le site du Nouvel Obs avait évoqué le cas d'une femme d'un député UMP. En instance de divorce, elle avait dénoncé son mari dans une lettre au procureur de Versailles : "Il m'a fait signer un contrat de travail pour un poste d'attachée parlementaire alors que j'occupais en même temps un emploi d'infirmière de nuit, avait-elle écrit. Il me disait que cette pratique était normale et courante, mais il m'a licenciée au mois de mai 2006 car la campagne électorale approchant, il faut être irréprochable". Pour prouver ses dires, l'épouse avait fourni deux contrats de travail : elle touchait 2 700 euros net par mois en tant qu'assistante parlementaire et 1 800 euros net par mois en tant qu'infirmière. L'affaire avait finalement été classée sans suite par le parquet, faute "d'éléments concrets" prouvant que l'emploi était fictif.
Pour éviter de telles suspicions, une seule solution : interdire le recours à des emplois familiaux. Mais une telle décision n'est à l'ordre du jour ni au Sénat, ni à l'Assemblée nationale.
*** Sources
- Vincent Quivy, Chers élus, ce qu'ils gagnent vraiment, Seuil, 2010
- "Emploi fictif : un député mis en cause par sa femme", nouvelobs.com, 14.06.2009
- Le Nouvel Observateur, 02.12.1999
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