Vincent Peillon, portrait d'un ministre de l'éducation adepte du coup d'éclat permanent

Portraits politiques · 17 oct. 2012 à 20:40 · Commentaires 0

Portrait de Vincent Peillon

Il devait être le ministre aux 60 000 postes. Un ministre avec un projet et des moyens dont auraient rêvé tous ses prédécesseurs rue de Grenelle. Et cela aurait dû lui suffire. Seulement voilà, le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, est un adepte du coup d'éclat permanent. Il ne peut pas s'en empêcher, c'est plus fort que lui. Parce qu'il a compris mieux que les autres que pour avoir accès aux médias, il faut sans cesse faire des annonces, Peillon les multiplie. Comment obtenir une interview au JDD la veille de la rentrée alors que toutes les mesures sont déjà connues ? Il suffit de proposer l'enseignement de la morale laïque. Comment s'assurer que son passage lors de l'émission politique hebdomadaire de France inter soit relayé par la presse ? Il suffit de défendre la dépénalisation du cannabis. De quoi faire un tabac auprès des lycéens, mais pas forcément auprès de Jean-Marc Ayrault et François Hollande, qui l'ont sévèrement recadré.

Membre de la bande des quatre (une alliance informelle avec Arnaud Montebourg, Manuel Valls et Stéphane Le Foll), Vincent Peillon veut peser sur les choix politiques du gouvernement. Pour remporter tous les arbitrages budgétaires ou pour viser Matignon ? Les deux ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Portrait.

Du doctorat de philosophie au monde politique

Vincent Peillon est né le 7 juillet 1960 à Suresnes dans les Hauts-de-Seine. Ses racines sont juives, bourgeoises et communistes. Sa mère, Françoise Blum, est directrice de recherche à l'INSERM, son père est banquier et communiste. Vincent Peillon grandit dans un milieu privilégié et intellectuel.
Après des études de philosophie, c'est l'agrégation puis la thèse. Docteur en philosophie, il enseigne cette discipline entre 1984 et 1997. Parallèlement, il se lance en politique, aux côtés d'Henri Emmanuelli. En 1992, il devient son assistant lorsque ce dernier prend la présidence de l'Assemblée nationale. Deux ans plus tard, Peillon devient membre du bureau national du PS et délégué auprès du Premier secrétaire, Lionel Jospin. Un poste qu'il occupe de 1995 à 1997. Calme, modéré, Vincent Peillon est apprécié pour le sérieux de son travail.

Député de la somme entre 1997 et 2002

En 1997, lors des législatives anticipées, Vincent Peillon est élu député de la 3e circonscription de la Somme. Pendant son mandat, il préside une mission d'information sur la délinquance financière et les paradis fiscaux en Europe. Avec Arnaud Montebourg et André Vallini, il enquête notamment sur le blanchiment de l'argent sale. Le rapport final permet aux trois auteurs - Peillon, Montebourg et Vallini - de se faire remarquer au sein d'une Assemblée composée de plus de 200 députés socialistes.

Un rôle actif au PS : porte-parole puis cofondateur du NPS

Membre du bureau national dès 1994, secrétaire national aux études du PS de 1997 à 2000, Vincent Peillon exerce la fonction de porte-parole du parti de 2000 à 2002. Mais au lendemain de la défaite de Lionel Jospin à la présidentielle et de sa propre défaite aux législatives de juin, Vincent Peillon démissionne de son poste de porte-parole. Partisan d'un profond renouvellement au Parti Socialiste, il publie une tribune en octobre 2002 dans Libération intitulée "Pour un Nouveau Parti Socialiste". Quelques mois plus tard, les cosignataires de cette tribune (Arnaud Montebourg, Julien Dray et Vincent Peillon), rejoints par Benoît Hamon, créent un courant au PS, le Nouveau Parti Socialiste (NPS). Lors des congrès du parti socialiste en 2003 et en 2005, le NPS tente de peser dans les débats en déposant ses propres motions.

Deux échecs aux élections législatives et une élection européenne plus tard...

En 2002, Vincent Peillon perd son siège de député en n'obtenant que 47,54% au second tour. En 2007, il tente de récupérer sa circonscription mais il échoue une nouvelle fois, à une centaine de voix près. Entre ces deux élections législatives, Vincent Peillon est élu député européen en 2004 grâce à sa position d'éligible sur la liste du PS. Mais ses échecs successifs aux législatives ont affaibli sa position au sein du Parti Socialiste. Son mandat de député européen lui permet tout de même de garder contact avec la politique nationale.

Objectif 2007 : prendre la tête du PS

Lors de la campagne présidentielle de 2007, Vincent Peillon apporte son soutien à Ségolène Royal dès le mois d'août 2006. En cas de victoire de la candidate socialiste, il espère devenir Premier Secrétaire du PS, poste qu'il convoite depuis 2005. Pour récompenser son soutien, Ségolène Royal lui confie l'un des trois postes de porte-parole de sa campagne. Mais trop discret, il demeure en retrait.
Après la défaite de Ségolène Royal, Vincent Peillon s'est peu exprimé. Ne faisant pas partie du premier cercle de la présidente de la région Poitou-Charentes, il prend ses distances, en espérant être dans la course pour le congrès de Reims. La bataille entre les deux présidentiables (Ségolène Royal et Bertrand Delanoë), arbitrée par Martine Aubry, n'a pas créé les conditions d'une candidature de Vincent Peillon. Il apporte finalement son soutien à Ségolène Royal, qui échoue au Congrès de Reims en 2008.

Tentative de captation du courant de Ségolène Royal (2008-2009)

Au lendemain de la défaite de l'ex-candidate à la présidentielle, le camp Royal tergiverse. Manuel Valls veut porter cette affaire devant les tribunaux, Ségolène Royal comme Vincent Peillon préfèrent se tourner vers l'avenir. Toutefois, ils n'ont pas tout à fait la même vision de l'avenir : tandis que la présidente de Poitou-Charentes prépare déjà sa candidature à l'élection présidentielle de 2012 en marge de l'appareil socialiste, Vincent Peillon semble prendre quelque distance en affirmant vouloir s'investir au sein du PS en consolidant le courant de Ségolène Royal.
Mais contrairement à des personnalités comme Jean-Louis Bianco ou Filippetti, Vincent Peillon paraît plus autonome au sein du courant de Ségolène Royal même si celle-ci compte sur lui pour faire le lien entre elle et le PS. Le 1er février 2009, il lance le courant « L'Espoir à gauche » qui réunit tous les militants qui ont soutenu la motion de Royal.

Tête de liste aux Européennes de 2009

En février 2009, la Première secrétaire du PS, Martine Aubry, propose à Vincent Peillon d'être tête de liste PS dans le Sud-Est aux Européennes de 2009 alors que le député de la Somme aurait préféré se présenter dans sa région, dans un souci de cohérence. Il est élu député européen avec 14,49% des suffrages. C'est à l'issue de cette élection qu'il quitte le mouvement de Ségolène Royal, « L'Espoir à gauche » pour créer un « rassemblement social, écologique et démocrate ».

2012 : Soutien de DSK, puis de Hollande

Avant le début des primaires socialistes, Vincent Peillon annonce qu'il apporte son soutien à Dominique Strauss-Kahn. DSK hors jeu après le scandale du Sofitel, Vincent Peillon se tourne alors vers le candidat François Hollande : il entre dans son équipe de campagne pour s'occuper des questions d'éducation, de jeunesse, d'enseignement supérieur et de recherche.

Ministre de l'Éducation nationale dans le gouvernement Ayrault

Le 16 mai 2012, Vincent Peillon est nommé ministre de l'Education nationale. Dès son arrivée au ministère, il fait plusieurs annonces qui créent la polémique. D'abord, le 17 mai 2012, sans concertation aucune, il annonce le retour à la semaine de cinq jours dans les écoles. Le Premier ministre recadre aussitôt Vincent Peillon en affirmant qu'il y aurait une concertation avec les parents, les enseignants et les professionnels de l'éducation. D'autre part, il anticipe le projet de loi de finances et annonce dans la précipitation, sans en donner les modalités, le recrutement de 40 000 enseignants dès 2013.
A la rentrée, les annonces choc s'accélèrent : le 1er septembre 2012, dans un entretien au Journal du Dimanche, Peillon annonce la mise en place d'un enseignement de la « morale laïque ». Le 14 octobre, il se déclare favorable à la dépénalisation du cannabis : « Je suis très étonné parfois du côté un peu retardataire de la France sur un sujet qui pour moi est d'ampleur ». Aussitôt dit, aussitôt recadré : suite à l'ampleur de la polémique, Peillon aurait même proposé sa démission selon Le Canard enchaîné. Démission refusée, mais le ministre sait désormais à quoi s'en tenir.


*** Sources
- M. Baumard, « Peillon, un candidat de longue date à l'éducation », Le Monde, 16.05.2012
- Samuel Laurent, « Vincent Peillon, un habitué de l'annonce choc », Lemonde.fr, 21.05.2012
- "Dépénalisation du cannabis : Peillon tente d'éteindre la polémique", Nouvelobs.com, 15.10.2012

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