Appartement de Jacques Chirac : un cadeau à 700 000 euros depuis 2007

L'argent du pouvoir · 5 fév. 2013 à 06:54 · Commentaires 0

Appartement de Jacques Chirac

Mieux qu'une pension de retraite d'ancien président, un cadeau à un ancien président. Alors que Jacques Chirac perçoit près de 30 000 euros de retraites cumulées (ancien président, ancien député, ancien conseiller général, ancien maire), il est logé gratuitement depuis mai 2007 au 3, quai Voltaire, à Paris. Un cadeau de la famille Hariri, du nom de l'ancien premier ministre libanais, proche de Chirac. Et c'est un beau cadeau : selon les calculs du Canard enchaîné effectués en 2009, l'actuel titulaire du bail paierait un loyer de 10 000 euros par mois. 70 mois plus tard, ce qui ne devait être que du provisoire est en train de devenir le cadeau le plus cher reçu par un ancien président : 700 000 euros de loyer ! Avec une question centrale : pourquoi Jacques Chirac bénéficie-t-il de telles largesses ?

Un appartement de 396 m² qui n'avait jamais été occupé auparavant

Situé au 3 quai Voltaire, sur les bords de Seine, en face du Louvre, l'appartement de Jacques Chirac fait 396 m². Selon le document hypothécaire de la Direction générale des impôts, que L'Express s'était procuré en 2009, l'appartement de 8 pièces comporte : "Deux entrées, un office, un séjour, un salon, une salle à manger, cinq chambres, deux cuisines, trois salles de bains, une salle d'eau, un rangement, trois débarras, trois WC, une pièce, dégagements et balcon".
Entre 1990 et 2000, cet appartement était occupé par le groupe de luxe LVMH qui en avaient fait des bureaux. En 2000, le groupe remet en vente l'appartement qui est acheté par un voisin pour 3 201 430 euros. L'année suivante, la famille Hariri, qui souhaite acquérir un bien immobilier dans Paris, créé spécialement une société civile immobilière (SCI), baptisée "3, quai Voltaire" pour acheter l'appartement. Le montant de la transaction s'élève à 4 421 021 euros. En 2009, L'Express a estimé que l'appartement valait désormais entre 6 et 8 millions d'euros. Un bien immobilier de premier ordre mais jamais utilisé par la famille Hariri : aucun locataire n'y a séjourné jusqu'à l'arrivée de Jacques Chirac en 2007. De là à considérer que la famille Hariri l'avait acheté pour Chirac... Cette hypothèse, avancée par L'Express en 2009, n'a jamais pu être vérifiée.

Un loyer de 10 000 euros par mois... depuis 70 mois

Lorsque Jacques et Bernadette Chirac entrent dans l'appartement du 3, quai Voltaire en mai 2007, ce devait être du provisoire. Dans un communiqué relayé par l'AFP le 24 avril 2007, on apprenait que "compte tenu des obligations qui sont les leurs, M. et Mme Chirac n'ont pas encore eu le temps de trouver leur logement. Ils occuperont à titre très provisoire un appartement quai Voltaire qui leur est prêté par M. Ayman Hariri [l'un des fils du dirigeant libanais], le temps de trouver leur domicile définitif". Du "très provisoire" qui dure : 70 mois après, les Chirac occupent toujours cet appartement. Peut-on évaluer le montant du cadeau ? En septembre 2009, Le Canard enchaîné avait estimé le loyer à 10 000 euros mensuel. "La SCI appartient à la famille Hariri, et Ayman n'est que le locataire officiel, avait expliqué un proche au Canard enchaîné. Mais pour éviter toute accusation d'abus de biens sociaux, il paie son loyer au prix du marché". 10 000 euros, soit en 70 mois, une facture de 700 000 euros.

Le nom de Hariri apparaît dans l'affaire Karachi

Pourquoi la famille de l'ancien premier ministre libanais met-elle à disposition de Jacques Chirac cet appartement ? Certes, les deux hommes étaient des amis proches. Mais est-ce suffisant pour offrir un cadeau à 700 000 euros dont la note augmente de 10 000 euros tous les mois ? Peut-être. Peut-être pas. On ne saura vraisemblablement jamais.

On peut juste noter une coïncidence récente : dans un article du Monde, daté du 28 janvier 2013 et consacré à l'affaire Karachi, les noms de Jacques Chirac et Rafic Hariri ont été mentionnés. Petit rappel des faits : l'enquête sur l'assassinat de onze Français de la Direction des constructions navales (DCN), à Karachi, le 8 mai 2002, a établi que des commissions occultes, destinées à des intermédiaires imposés par le gouvernement Balladur entre 1993 et 1995, dans le cadre de contrats d'armements, ont été bloqués par le clan Chirac qui soupçonnait l'existence de rétrocommissions. Que sont devenues ces commissions bloquées ? On ne sait pas. Mais un nouveau témoin de l'affaire, cité par Le Monde, indique que les Chiraquiens les auraient récupérées. Ce témoin, qui a été un informateur de la Direction de la surveillance du territoire, l'a écrit dès le 13 mai 2002, soit cinq jours après l'attentat de Karachi, dans un rapport tenu secret jusque-là. Et c'est là que la famille Hariri apparaît : selon le rapport de l'ancien informateur de la DST, l'attentat pourrait être lié à "une captation d'héritage opérée à partir de 1996 par les amis orientaux du clan chiraquien au détriment de la coterie initiale". " En clair, une somme de 120 millions d'euros destinée au cheikh Ali Ben Mussalam, un intermédiaire (mort en 2004) proche des autorités saoudiennes, aurait finalement bénéficié à l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri (assassiné en 2005), un grand ami de Jacques Chirac", écrit Le Monde. Traduction : les rétrocommissions seraient passées par Hariri.

De l'avis même du Monde, il est difficile de juger de la crédibilité de ce nouveau témoin. Et aucun lien n'est fait entre ces éventuelles rétrocommissions et le "cadeau" de 700 000 euros de l'appartement de Jacques Chirac. 70 mois après l'entrée provisoire du couple Chirac au 3, quai Voltaire, le mystère reste donc entier.


*** Sources
- E. Pelletier et J.-M. Pontaut, "Le (p)résident du quai Voltaire", L'Express, 04.02.2009
- "Le chèque d'Hariri", Le Canard enchaîné n°4638, 16.09.2009
- G. Davet et F. Lhomme, "Gérard Willing, consultant en sécurité et invité surprise de l'enquête sur Karachi", Le Monde, 28.01.2003



>> Jacques Chirac : une retraite à 30 000 euros par mois

Une du Canard Enchaîné


>> Appartement de Jacques Chirac : la famille Hariri paie un loyer de 10 000 euros par mois

Appartement de Jacques Chirac

Commentaires