L'argent du pouvoir · 21 août 2013 à 13:05 · 0
La hiérarchie de l'information laisse parfois songeur. Prenez le cas du ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll. Cet été, Libération l'a suivi au cours d'un déplacement dans l'Aveyron (passionnant). Le JDD a publié sa contribution, signée avec trois autres ministres, pour réclamer une accélération de la transition écologique (avec plein de beaux principes). Enfin, le ministre a ouvert les portes de sa maison du Mans à l'hebdomadaire Paris-Match pour un plan com estival classique : détendu, et en short.
Voilà pour l'info divertissement. Pourtant, en cherchant bien, les médias auraient pu s'intéresser à une autre information publiée dans le magazine Le Point. Au détour d'un article sur la gestion des biens immobiliers appartenant à l'État, l'hebdomadaire a raconté comment le ministre de l'agriculture a renoncé au projet de regroupement des différents services du ministère de l'Agriculture au sein d'un même bâtiment. Un renoncement alors que le projet a déjà coûté... 28 millions d'euros à l'Etat ! Si l'information, publiée dans Le Point du 15 août, est largement passée inaperçue, c'est parce qu'elle figure en queue d'un article intitulé "Quand l'Etat bazarde ses bijoux de famille".
Ainsi, on peut lire que "Lors de ses vœux de début d'année, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a enterré le regroupement de ses services. Éparpillés dans les beaux quartiers, ils devaient être rassemblés sur le site de Picpus, dans l'Est parisien. (...) Le Foll justifie sa décision par la vente des immeubles du ministère (six différents !) qui ne se ferait pas dans de bonnes conditions". Présentée comme cela, la décision apparaît logique. Sauf que Le Point a interrogé le nouveau président du Conseil de l'immobilier de l'État, Jean-Louis Dumont, également député PS. Et ce dernier lâche une petite bombe : "On a dépensé 28 millions d'euros en études à Picpus pour rien !"
Pour tenter de minimiser cette ardoise inutile, l'hebdomadaire précise que le site de Picpus pourrait accueillir une université. Pas de quoi pour autant se réjouir : "une université n'a rien à débourser pour s'installer sur un terrain de l'État", relève Le Point pour qui les 28 millions d'euros seront définitivement perdus si le ministre de l'Agriculture s'entête à renoncer au projet. "Il y a eu, sur cette affaire, de l'amateurisme", déplore Jean-Louis Dumont. Un amateurisme certes, mais avec le sourire. Lors de ses vœux le 14 janvier 2013, Stéphane Le Foll avait enterré le projet Picpus avec humour : "Quand j'ai entendu pour la première fois parlé de Picpus, je pensais qu'il y avait là encore un insecte quelque part qui devait poser problème mais non c'était un projet immobilier", avait-il déclaré. Pas de problème non, juste une perte sèche de 28 millions d'euros.
*** Sources
- Voeux à la presse, Webtv.agriculture.gouv.fr, 14.01.2013
- Laure Bretton, "Stéphane Le Foll, le hollandais AOC", Libération, 25.07.2013
- C. Fontaine, "Le Foll dans les starting-blocks", Paris Match, 09.08.2013
- M. Revol, "Quand l'Etat bazarde ses bijoux de famille", Le Point, 15.08.2013
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>> En 2007, François Bayrou se déclarait agriculteur pour éviter de payer l'ISF
(Info du Canard enchaîné)