Le Canard enchaîné · 20 sep. 2013 à 10:22 · 0
Encadrer les loyers pour contenir leur hausse et permettre à un plus grand nombre de se loger : c'est l'un des principaux objectifs de la loi Duflot baptisé ALUR pour "accès au logement et à un urbanisme rénové". A l'occasion de la présentation de cette loi, Mediapart avait dénoncé le rôle des cabinets de lobbying dans la rédaction d'amendements contre le projet (les professionnels de l'immobilier s'inquiètent de droits supplémentaires accordés aux locataires).
Le Canard enchaîné va pouvoir rassurer les professionnels de l'immobilier. Selon l'hebdomadaire, le projet de loi Duflot n'aura aucun impact sur le prix des loyers, qui pourront donc continuer de flamber. Sur le papier, pourtant, le projet paraissait tenir la route : dans toutes les villes, des observatoires vont collecter auprès des agences immobilières les prix des loyers pour déterminer le loyer médian (moyenne améliorée) par mètre carré. Pour limiter la hausse des loyers, la loi Duflot prévoit que le propriétaire ne pourra pas afficher un prix supérieur de 20% à ce loyer médian. Exemple concret, cité par Le Canard enchaîné : "dans le populaire XIXe arrondissement de la capitale, d'après les chiffres déjà rassemblés, le loyer médian est de 20 euros le mètre carré. Soit 700 euros pour un deux-pièces de 35 m². En le majorant de 20%, la limite à ne pas dépasser sera donc de... 840 euros sans les charges !"
La loi ne devait donc pas faire de miracle, mais elle a au moins le mérite de poser une limite. Sauf qu'il y a une faille. Et c'est ce que pointe Le Canard enchaîné : les propriétaires pourront appliquer un "complément de loyer exceptionnel", sans aucun plafond à partir de critères complètement flous comme le "confort" ou la "localisation". Pire : aucun décret n'est pas prévu pour mieux définir ces critères. Cité par Le Canard, le collectif Jeudi noir dénonce déjà une loi inutile : "Il suffira d'apercevoir un bout de la tour Eiffel en se tordant par la fenêtre. Tous les proprios jugent leur bien exceptionnel".
Et les abus risquent d'être d'autant plus nombreux qu'il n'y aura aucun contrôle. "Concrètement, quand un locataire signera un bail, le propriétaire indiquera le niveau médian des loyers dans le quartier et les critères, qui selon lui, justifient un complément exceptionnel, explique Le Canard. Aucune instance n'y mettra son nom. S'il veut une ristourne, le locataire devra d'abord faire appel à une commission départemental de conciliation. Puis, s'il n'y a pas d'accord à l'amiable, il devra saisir la justice". Avec les conséquences que l'on peut anticiper sur les relations entre le locataire et le propriétaire, lequel pourra résilier le bail au bout des trois ans s'il veut récupérer l'appartement.
Contacté par l'hebdomadaire, le cabinet de la ministre du Logement, Cécile Duflot, a reconnu à demi-mots les limites de la loi : "C'est la jurisprudence qui définira les critères car un bail reste un contrat entre deux parties, et l'Etat ne peut pas trop y mettre son nez". Les locataires sont prévenus : il faudra trouver un bon avocat pour avoir un loyer décent.
*** Source
- Isabelle Barré, "La loi Duflot, c'est du flan...", Le Canard enchaîné n°4847, 18.09.2013
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