Le Canard enchaîné · 20 oct. 2013 à 11:42 · 0
A quoi sert la redevance ? Pas seulement à diffuser des programmes de haute tenue comme l'émission de Sophia Aram. Le produit de la redevance a aussi permis à France télévisions de réunir ses chaînes au sein d'une entreprise unique. Un projet qui était censé faire des économies, mais qui a coûté, en réalité, plus de 100 millions d'euros en seulement quatre années. Retour sur l'histoire d'un fiasco révélée par Le Canard enchaîné
Lancé en 2009 par Patrick de Carolis, le plan de fusion des quarante sociétés publiques audiovisuelles au sein d'une entreprise unique devait permettre de faire des économies. Objectif ? "Mutualiser les moyens des chaînes, supprimer leurs patrons au profit de directions centrales, uniformiser les statuts des uns, aligner les salaires des autres", ou encore supprimer les doublons, rappelle Le Canard enchaîné.
A l'époque, Carolis avait estimé que cette fusion permettrait d'économiser 66 millions d'euros dès 2012 et bien plus les années suivantes. Sauf que la création du groupe France Télévisions a viré au fiasco d'après Le Canard enchaîné qui s'est procuré un rapport interne intitulé "Coûts de transition liés à la mise en place de l'entreprise commune France télévisions". Au lieu de faire des économies, le regroupement de toutes les chaînes au sein d'une entreprise unique a coûté 101,2 millions depuis 2009.
Comment expliquer une telle facture ? La faute à des experts en tout genre et à des cabinets de conseils qui ont laissé des notes salées. Premiers bénéficiaires, d'après l'hebdomadaire : Bain & Company et Ineum Consulting, deux cabinets de conseils qui ont obtenu 11,2 millions d'euros pour le premier et 3 millions d'euros pour le second. Des factures liées à des "missions de conseil stratégique" et "d'accompagnement à la conduite du changement". Autres sociétés bénéficiaires : le cabinet Secafi-Alpha. Pour un "suivi de la réforme", la société a touché 600 000 euros.
L'énumération de tous les prestataires externes, effectuée par Le Canard, donne le tournis : le service public a par exemple dépensé 275 000 euros pour "l'accompagnement de la négociation avec les syndicats", 165 000 euros pour "l'assistance à la mise en oeuvre d'une classification des emplois", 607 000 euros pour "la mise en place du nouveau système de paie", 200 000 euros pour "l'accompagnement au changement culturel dans les directions fusionnées", 506 000 euros pour le recrutement de "deux spécialistes en risques psychosociaux". Sans oublier une facture de 96 000 euros pour une analyse sur... "la perception du changement" (sic).
Viennent ensuite les factures qui dépassent le million : 1,1 million d'euros pour "l'ouverture du capital de la régie" (qui ne se fera jamais), 3,9 millions d'euros pour les déplacements et la signature de "conventions managériales", 15,7 millions d'euros pour les dépenses immobilières. Quant au plan de départ à la retraite, élaboré pour supprimer les postes doublons, il a coûté 35 millions d'euros !
Au-delà du caractère ubuesque de toutes les prestations payées par le groupe public pour mener à bien son projet de fusion, le regroupement n'a pas abouti aux économies espérées. "Dans les couloirs, producteurs, salariés et syndicats passent leur temps à se plaindre du foutoir, explique Le Canard enchaîné. Ils se retrouvent face à une armée mexicaine de dirigeants ou une médecine du travail en surchauffe". Du coup, le PDG de France télévisions a "réinstauré les directeurs de chaîne. Et des centaines de recrutements, ces dernières années, ont fait oublier la vague de départs à la retraite de 35 millions d'euros : le groupe comptait 10 206 postes voilà trois ans, contre... 10 200 aujourd'hui". Au moins, le produit de la redevance n'est pas perdu pour tout le monde...
*** Source
- Christophe Nobili, "France télévisions : 100 bâtons pour ne pas gagner un rond", Le Canard enchaîné n°4851, 16.10.2013
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