Selon Mediapart, un microparti au service de Marine Le Pen, baptisé "Jeanne", encaisse des millions d'euros en toute légalité

L'argent du pouvoir · 23 oct. 2013 à 08:11 · Commentaires 0

Jeanne, Marine Le Pen

Jeanne, en référence à Jeanne d'Arc. C'est le nom d'un microparti créé fin 2010 pour soutenir Marine Le Pen alors qu'elle était déjà présidente du Front national. A l'époque, Wallerand de Saint-Just, le trésorier du FN, avait expliqué que Marine Le Pen avait "créé son propre microparti" car il "lui fallait une structure qui ne soit pas contrôlée par le FN pour recueillir des dons et des prêts des copains, des relations, de tous ceux qui ne veulent pas donner au FN". Sauf que Mediapart a mis le nez dans les comptes de "Jeanne" : le microparti brasse des millions d'euros qui ne proviennent pas de dons.

Peu d'adhésions et peu de dons

"Rien qu'en 2011, première année d'exercice, ce sont plus de 1,7 million d'euros qui ont circulé entre leurs mains, puis 9,5 millions en 2012", révèle Mediapart. D'où proviennent ces sommes ? Pas des adhésions : elles ne représentent que 180 euros en 2011 et 150 euros 2012. Pas des dons non plus, contrairement à ce qui était expliqué à l'origine de la création de ce microparti : ces dons "plafonnent à 11 500 euros en 2011 et même 5 500 euros l'année suivante", écrit le site d'information.

Un financement via la vente de kit au candidat

Alors d'où proviennent ces millions d'euros ? "La structure s'est surtout livrée à deux activités ces dernières années, contenues dans un cadre légal : facturer des « kits de campagne » à des candidats du FN et leur prêter de l'argent", explique Mediapart. Exemple pour les cantonales 2011 : Jeanne "a encaissé 1 854 381 euros grâce à la vente de « kits » aux candidats (« personnalisation » de tracts, « retouche » des photos, « conception d'un journal de 4 pages », etc.), facturés entre plusieurs centaines et plusieurs milliers d'euros pièce. Aux législatives de 2012, rebelote. Mais cette fois, les « kits » sont carrément devenus « obligatoires » pour nombre de candidats du FN, leur prix a dépassé les 16 000 euros et le chiffre d'affaires de Jeanne a atteint 8 917 082 euros !"
Si les sommes sont élevées, ce n'est pas le microparti qui réalise d'importantes marges mais le grossiste qui fournit les kits, qualifié de "conseiller de l'ombre de Marine Le Pen" par Mediapart.

Le microparti prête également de l'argent

Autre activité du microparti : des prêts aux candidats du Front national. Un procédé déjà utilisé par le microparti de Jean-Marie Le Pen, Cotelec. Concrètement, "Jeanne" a prêté en 2012 environ 450 000 euros à un taux relativement élevé de 7%. Ce qui lui a permis de récupérer 19 000 euros d'intérêts.

Des activités légales

Bien évidemment, toutes ces activités sont légales, tout comme l'existence de ce microparti qui est une pratique très répandue à droite. Interrogé par Mediapart, un ancien trésorier de Jeanne a d'ailleurs rappelé que les comptes de ce microparti ont été contrôlés et validés par deux commissaires aux comptes. Et pourtant, à la lecture de l'article de Mediapart, l'existence de "Jeanne" semble gêner le Front national. Le mandataire financier du microparti a même affirmé que cette structure n'était pas le microparti de Marine Le Pen. Ce qui est formellement vrai : son nom n'apparaît pas dans les statuts. Mais comme l'avait déclaré le trésorier du FN, "Jeanne" avait bien été créé en 2010 pour soutenir Marine Le Pen.

230 partis politiques reconnus

En réalité, si la légalité d'une telle structure n'est pas à remettre en cause, l'existence de ce genre de microparti pose le problème de la complexité du financement de la vie politique. Pourquoi un parti politique ne prête-t-il pas lui-même des fonds à ses candidats ? Pourquoi un parti politique ne s'occupe-t-il pas lui-même des kits pour ses candidats ?

Aujourd'hui, la vie politique est dominée par une petite dizaine de partis. Officiellement, il existe pourtant plus de 230 structures politiques reconnues. Un petit toilettage de la loi sur le financement de la vie politique permettrait une plus grande transparence.


*** Source
- Mathilde Mathieu et Marine Turchi, "Le micro-parti de Marine Le Pen: des euros par millions", Mediapart, 22.10.2013

Marine Le Pen, micro parti



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