Revue de presse · 28 fév. 2014 à 13:25 · 0
Le Point a frappé fort. A la une de l'hebdomadaire cette semaine : "L'affaire Copé". Le président de l'UMP est accusé d'avoir contribué à ruiner le parti en ayant eu recours à une agence de communication, gérée par des proches, et pratiquant des tarifs très élevés. Cette boite de com' aurait ainsi touché près de 8 millions d'euros lors de la campagne présidentielle. Depuis 24h, l'information a été reprise partout et Copé a été contraint de contre-attaquer en annonçant vouloir porter plainte contre le magazine. Pourtant, l'essentiel des informations figuraient dans Le Canard enchaîné en novembre 2012.
Créée par deux proches de Jean-François Copé, Bastien Millot et Guy Alvès, la boîte de com' Bygmalion a raflé l'essentiel des contrats de l'UMP depuis 2010, date à laquelle Copé a pris la direction du parti. Des contrats obtenus sans appel d'offres et sans mise en concurrence. Ainsi, comme le raconte Le Point, en 2010, Bygmalion va mettre la main "sur les opérations de com' du parti qui est alors le plus riche de France. Avec l'élection présidentielle, la manne providentielle se transforme en corne d'abondance. Les dépenses de communication atteignent en 2012 le chiffre record de 33 millions d'euros, le double de la campagne de 2007" (nous vous en parlions ici). C'est une filiale de Bygmalion, baptisée Events & Cie, qui va décrocher l'organisation des meetings du candidat Sarkozy. D'après les informations du Point, l'agence aurait ainsi empoché près de 8 millions d'euros durant la campagne.
D'après les factures remises à la commission des comptes de campagne, le prestataire de l'UMP aurait eu la main lourde : "comptez 106 106 euros pour un meeting à Lyon, 98 519 euros pour la Mutualité à Paris, 87 696 euros à Perpignan et 76 523 euros tout de même pour un meeting à Saint-Brice-sous-forêt, une ville de 17 000 habitants dans l'Oise", détaille Le Point. Ces factures sont-elles trop élevées ? C'est ce qu'affirme l'hebdomadaire : "Les professionnels auxquels nous avons présenté les bordereaux d'Events trouvent la note salée, estimant le surcoût à environ 20%. Ce que confirme un interlocuteur rue de Solferino au regard des frais de meeting engagés par le PS pendant la présidentielle".
Plus que les factures, c'est la répartition de leur prise en charge qui étonne l'hebdomadaire. Les dépenses d'un candidat à la présidentielle étant plafonnées à 22 millions d'euros, le coût des meetings aurait été supporté majoritairement par l'UMP. "Sur les fameux 8 millions d'euros facturés par Events lors de la course à l'Elysée, 5 auraient été pris en charge par l'UMP et 3 seulement par le président-candidat", écrit Le Point. C'est d'ailleurs cette répartition anormale qui avait été dénoncée par la commission des comptes de campagne et qui avait abouti à l'invalidation des comptes du candidat Sarkozy par le Conseil constitutionnel (une invalidation à l'origine du Sarkothon).
On résume l'affaire ? Le Point soupçonne donc Jean-François Copé d'avoir favorisé une boîte de com' créée par des proches et d'avoir fermé les yeux sur des surfacturations prises en charge par l'UMP. Et derrière ces accusations, une question centrale : où est passé cet argent ? L'hebdomadaire n'en sait rien mais insiste lourdement sur les amitiés entre Copé et les fondateurs de la boite de com'. Des accusations graves rejetées par les principaux intéressés : les fondateurs de Bygmalion nient toute surfacturation. Quant à Jean-François Copé, il a déclaré vouloir porter plainte en diffamation contre l'hebdomadaire. Fin de l'histoire ? Non, car le plus surprenant dans cette affaire, c'est que l'essentiel de ces informations étaient connues... depuis novembre 2012.
Dans un article intitulé "L'UMP saignée par la défaite, et par Copé", Le Canard enchaîné avait démontré que Copé avait confié la communication du parti à des proches, pour un coût très élevé. L'hebdomadaire accusait même le président de l'UMP d'avoir "plombé sérieusement les dépenses" du parti.
Extrait du Canard enchaîné (7 novembre 2012) :
"Tout juste investi secrétaire général, fin 2010, Copé confie à l'agence Bygmalion le budget communication du parti, sans passer par la procédure d'appel d'offres, qui n'est pas obligatoire, il est vrai, pour une formation politique... A la tête de cette boîte, deux hommes de confiance, d'anciens collaborateurs : Bastien Millot et Guy Alves. (...) Avec un flair politique et un sens du commerce hors pair, Millot et Alves créent, en décembre 2010, une nouvelle boîte baptisée Events & Cie. (...) La filiale de Bygmalion a pour vocation d'organiser des réunions ou des meetings politiques. C'est elle qui hérite - une fois encore - sans appel d'offres - de la mise en place des grandes sauteries sarkozystes. Jusqu'à ce que Franck Louvrier, le Monsieur com' de l'Elysée, s'inquiète d'une situation monopolistique et y mette fin en confiant à une autre agence une petite part des 13 millions du gros gâteau présidentiel". Et Le Canard de conclure que des "dirigeants de l'UMP estiment à une bonne dizaine de millions par an le montant des marchés conquis de haute lutte par Bygmalion et qui ont saigné le parti".
Dans l'article du Canard figurait donc quasiment toutes les informations du Point : les liens entre Copé et l'agence de com', les soupçons de contrats trop juteux et non soumis à concurrence et même les sommes gagnées par Bygmalion (une "dizaine de millions d'euros" selon les estimations du Canard, 8 millions d'après Le Point).
Finalement, seules deux nouvelles informations figurent dans le dossier du Point : les soupçons de surfacturation et le détail de l'actionnariat de Bygmalion. Oui, car dans la deuxième partie du dossier, Le Point affirme que l'agence de com' a été créée à partir d'un montage financier complexe avec une société luxembourgeoise. Cette dernière serait détenue par un financier qui aurait servi d'intermédiaire dans le cadre d'un contrat entre la France et le Qatar à l'époque où Copé était ministre du budget. Des informations bien éloignées de la com' de l'UMP mais qui justifieraient les nombreuses reprises de l'article du Point ? A l'époque, l'article du Canard enchaîné, que nous avions relayé, n'avait pas fait de vague.
*** Sources
- M. Delattre et C. Labbé, "L'affaire Copé", Le Point, 27.02.2014
- "Affaire Copé : ce qu'on sait, ce qu'on savait", Lemonde.fr, 27.02.2014
- D. Hassoux, "L'UMP saignée par la défaite, et par Copé", Le Canard n°4802, 07.11.2012
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