Revue de presse · 13 mai 2014 à 12:25 · 0
L'Europe est tatillonne et impose à la France des réglementations absurdes. C'est l'argument régulièrement avancé par les eurosceptiques pour critiquer Bruxelles et les eurocrates, forcément déconnectés de la réalité. Exemple ? "On veut prendre une directive pour empêcher les enfants de moins de 18 ans de grimper sur les escabeaux", s'est agacée Michèle Alliot-Marie dans Le Figaro début mars. Une mesure qui empêcherait les travailleurs saisonniers de moins de 18 ans de participer aux cueillettes l'été. Absurde, n'est-ce pas ? Nadine Morano, candidate aux Européennes, était également intervenue dans un message sur twitter : "Je demande le retrait du décret qui interdit aux jeunes de moins de 18 ans de monter sur un escabeau. Il est stupide, nuit à l'apprentissage".
Dimanche 11 mai, Jean-François Copé en a remis une couche contre une directive de l'UE qui prévoit que "les jeunes qui font des travaux saisonniers dans le milieu agricole pour ramasser les fruits, n'aient plus le droit, s'ils n'ont pas 18 ans, de monter sur des escabeaux". A force de lire l'info, vous allez bien finir par la croire vraie.
Sauf que c'est faux. Dès le 16 mars, Le Figaro avait démenti l'information. Le ministère de l'Agriculture avait expliqué que ce décret visait en fait "les travaux dont les arbres sont l'objet, c'est-à-dire les travaux de taille, d'élagage, de démontage, de soins et de haubanage... La cueillette n'étant absolument pas concernée". En outre, le ministère du Travail a précisé que la sécurité des travaux en hauteur dans l'arboriculture est déjà encadrée depuis 2004 : "La loi (article R.4323-63) établit qu'«il est interdit d'utiliser les échelles, escabeaux et marchepieds comme poste de travail», sauf s'il s'agit de «travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif». Cueillir des fruits en haut d'une simple échelle ou d'un escabeau de façon répétitive (comme c'est le cas pour les saisonniers) est donc proscrit pour tous depuis des années. Seule la présence d'une plate-forme avec garde-corps, d'un accès sécurisé ou d'un dispositif de stabilisation légalise ces escalades".
Mais surtout, les attaques contre l'UE sont totalement injustifiées. Car ce n'est pas Bruxelles qui est à l'origine du fameux décret comme l'explique Libération : "C'est un décret français, pris en octobre, qui interdit le travail en hauteur des mineurs. Ce texte a provoqué la grogne des exploitants fruitiers, mais l'UE n'y est pour rien. Ce décret ne fait que transposer strictement une directive européenne de 1994 qui incite les États à assurer la protection des jeunes au travail. Sans préciser, par exemple, qu'il faut leur interdire de monter sur les escabeaux". D'ailleurs, comme l'a relevé un blog de Libération, "aucun autre pays européen n'a transposé dans son droit interne cette directive comme l'a fait la France. Clairement, dans cette affaire, c'est la folie réglementaire hexagonale qui a atteint de nouveaux sommets. Mais il est tellement plus vendeur d'imputer une telle boulette à l'Europe, à la méchante Europe, d'autant que personne n'est là pour la défendre (et surtout pas la Commission qui, comme à son habitude, est restée muette)".
*** Sources
- R. Korda, "Ce décret qui priverait les jeunes saisonniers d'escabeau", Lefigaro.fr, 16.03.2014
- J. Quatremer, "L'Europe et l'escabeau", Liberation.fr, 05.05.2014
- "Copé confond zèle français et absurdité européenne", Libération, 13.05.2014
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