Le Canard enchaîné · 25 août 2014 à 09:07 · 0
Connaissez-vous la loi Littoral ? Adopté en 1986 par le parlement, ce texte est primordial : c'est ce qui évite aux bords de mer de ressembler à des bunkers de béton. Avec la loi Littoral par exemple, toute nouvelle construction à moins de 100 mètres du rivage est interdite. Seulement voilà : de nombreux élus souhaiteraient "assouplir" cette loi, c'est-à-dire permettre à des promoteurs de construire sur les rivages "au nom du développement économique". Le Canard enchaîné tire la sonnette d'alarme.
L'attaque contre cette loi est partie du Sénat. Des élus, de droite et de gauche, souhaitent modifier la loi Littoral. Certes, il n'est pas question d'abrogation, mais sous couvert d'éléments de langage ("développement économique", "assouplissement", "décentralisation", "modernisation"), c'est bien la remise en cause de la loi de 1986 dont il est question. "A la veille de l'été, une dizaine de sénateurs UMP ont ainsi déposé une proposition de loi qui donnerait aux élus locaux le pouvoir d'accommoder à leur goût les modalités d'application de la loi Littoral. En clair : l'Etat ne pourrait plus mettre son veto si une Région décidait de sacrifier au béton une partie de son rivage", raconte Le Canard enchaîné. Cette proposition de loi est inspirée d'un rapport d'une sénatrice... socialiste, qui avait déjà essayé de remettre à plat la loi Littoral. Avec des dispositions qui ne trompent personne : par exemple, le projet prévoit que des dérogations pour construire dans des espaces jusque-là protégés nécessiteraient l'accord du Conseil national de la mer et des littoraux. Sauf que ledit conseil n'est pas vraiment un repaire d'écologistes : il est composé majoritairement d'élus locaux et de représentants de professionnels du tourisme.
Le pire dans cette affaire, c'est que la loi existante, pourtant protectrice, est déjà contournée par les élus en raison de failles juridiques. Exemple ? La loi permet la construction de "hameaux nouveaux intégrés à l'environnement" à plus de 100 mètres du rivage. Derrière cette expression, il y avait la volonté de ne pas interdire toute nouvelle construction de villages. Sauf que "la notion s'est révélée très élastique, relève Le Canard. Par exemple, en 2010, à Mandelieu-la-Napoule, dans les Alpes-Maritimes, le groupe Pierre & Vacances a construit sous l'appellation de "hameau" - et avec la bénédiction des juges ! - une résidence pour 1 000 personnes équipée d'un parking de 205 places !" On est loin de la petite maison dans la prairie. Et des exemples de ce type, il y en a partout. Alors si en plus, les sénateurs "assouplissent" la loi, ce ne sont plus de casquettes dont les vacanciers auront besoin sur les plages mais d'un casque (de chantier).
*** Source
- Hervé Liffran, "Ces élus qui veulent jeter la loi Littoral à la mer", Le Canard enchaîné n°4895, 20.08.2014
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