Revue de presse · 7 nov. 2014 à 07:38 · 0
Depuis plus d'un an, deux juges parisiens enquêtent sur la circulation de fonds suspects entre le groupe UMP du Sénat et une association d'élus centristes. Le Parisien avait révélé l'affaire. Le Canard enchaîné avait révélé que les documents comptables avaient été détruits. Mediapart s'était procuré une partie de la liste des bénéficiaires des 210 000 euros de chèques et 130 000 euros de liquides. C'est autour du Monde d'entrer dans l'affaire avec la publication d'un témoignage sur la manière dont les liquidités circulaient.
L'Union républicaine du Sénat (URS), association centriste financée par le groupe UMP du Sénat, est au coeur de l'enquête judiciaire. L'URS, dont le siège est situé à Saint-Valérien (Yonne), a perçu des fonds de la part du groupe UMP du Sénat, versés par la questure de la chambre haute, avant de les rétrocéder à ses membres entre 2009 et 2012. Auditionné par les enquêteurs en mars 2013, un témoin clé s'est confié au Monde. Il s'agit de François Thual, conseiller du groupe UMP. Et ses déclarations sont fracassantes. Car la circulation d'argent liquide entre le groupe UMP et l'association centriste ne daterait pas de 2009. Cette pratique serait bien plus ancienne.
Pendant douze ans, "jusqu'à cet été, j'allais tous les mois, ou presque, retirer entre 5 000 et 6 000 euros en liquide de l'un des comptes de l'URS, et je les remettais au trésorier du groupe UMP du Sénat", confie François Thual au Monde. J'agissais sur demande. On m'indiquait le montant à débiter. Je me rendais à l'agence Private Banking de la Société générale, boulevard Haussmann, je récupérais les espèces, glissais les billets dans ma poche et je rentrais en taxi au Sénat". Pourquoi lui ? "J'étais secrétaire général de l'URS. Les autres refusaient par peur d'être attaqués dans la rue". Et comment expliquer que de l'argent versé par le groupe UMP à l'association revenait en liquide aux sénateurs UMP ? "Ils avaient besoin de liquide pour les frais des sénateurs", affirme Thual. Lequel précise avoir demandé à maintes reprises la transparence. "On m'a répondu : “Tu nous emm... avec tes histoires de fonctionnaire".
Interrogé par Le Monde, Henri de Raincourt, président de l'URS et sénateur de l'Yonne, refuse de dire quels étaient les critères d'attribution de ces liquidités, rappelant que "les groupes [parlementaires] s'administrent librement" selon "l'article 4 de la Constitution". Avant d'ajouter : "Les partis politiques ont quand même le droit d'aider aux campagnes électorales de leurs élus ! Il faut payer la location des salles, la sono..."
Raincourt a touché 4 000 euros par mois pendant des années. Le sénateur Hubert Falco a touché 12 000 euros en deux ans, Gérard Longuet 2 000 euros. Tous apportent des explications différentes pour justifier ces sommes : payer des frais de campagne ou compléter des revenus. Rien n'était déclaré, puisque près de 130 000 euros ont circulé en liquide. Aux enquêteurs désormais de remonter le fil de tous ces financements cachés.
*** Source
- Emeline Cazi, "Au Sénat, la droite rattrapée par des retraits suspects", Le Monde, 07.11.2014
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