Revue de presse · 10 nov. 2014 à 07:43 · 0
Étonnant déjeuner. Selon Le Monde, le secrétaire général de l'Elysée, Jean-Pierre Jouyet et l'ancien premier ministre, François Fillon, ont déjeuné ensemble le 24 juin. Un déjeuner entre anciens collègues : Jouyet (actuellement bras droit de Hollande) a été secrétaire d'Etat dans le gouvernement Fillon.
Au-delà du fait qu'on peut s'étonner, aujourd'hui, qu'on puisse participer à un gouvernement de droite et être à l'Elysée sous un président de gauche, c'est la teneur des propos échangés lors de ce déjeuner qui suscite la controverse. D'après Le Monde, Fillon aurait demandé à Jouyet d'intervenir pour accélérer les procédures judiciaires contre Sarkozy, afin d'empêcher son retour. Ce que Fillon a démenti, tout comme Jouyet... avant que ce dernier ne rectifie son démenti... en reconnaissant que Fillon avait effectivement fait une telle demande.
Mensonge ? Manipulation ? Dans cette histoire complexe, les journalistes du Monde ont un joker. Ils ont enregistré l'interview de Jean-Pierre Joyet. Lequel a bien déclaré que Fillon avait demandé de "taper fort" sur Sarkozy.
"J'ai déjeuné avec Fillon le 24 juin. J'ai de bonnes relations avec Fillon, puis surtout, j'ai travaillé très étroitement avec Gosset-Grainville, qui est un ami proche. J'ai dit au Président - François Hollande - "Est-ce que je vais voir Fillon, puisque Antoine m'a dit : "François Fillon serait content de te voir"? Il - M. Hollande - m'a dit : "Bien sûr, - mais - faut pas que ce soit à l'Elysée ". Très bien, donc on est allés dans un restaurant à côté, et j'étais avec Antoine et Fillon ".
"Où Fillon a été le plus dur, vraiment le plus dur, c'est sur le remboursement que Sarkozy avait demandé des pénalités pour le dépassement des frais de campagne. Fillon m'a dit, texto : " Jean-Pierre, c'est de l'abus de bien social. C'est une faute personnelle. Il n'y avait rien à demander à l'UMP, de payer tout ça ". Il était extrêmement clair. Je lui ai dit : " Vous pensez que c'est partagé par Raffarin et Juppé ? ". Il m'a dit : "Bien sûr. Juppé le sait et Raffarin le sait" (...) Je lui ai dit : " Dans quel état vous avez trouvé l'UMP ? ". Il me dit : " Il n'y avait aucune trace, ni de factures, ni de ce qui était dépensé, ni de rien du tout... Donc on était incapables de faire une comptabilité."
Les journalistes du Monde posent alors la question suivante : "Il ne s'est pas interrogé devant vous devant la lenteur de la justice par rapport à tout ça ?" Réponse de Jouyet : "Mais si ! En gros, son discours c'était de dire : " Mais tapez vite ! Tapez vite ! ". J'ai dit à Gosset-Grainville : " Vois plutôt Sylvie Hubac - directrice du cabinet de François Hollande - . Moi on me dit qu'on ne peut pas aller plus vite et que c'est la justice qui instruit normalement les procédures ". Et puis [Fillon] me dit : " Mais Jean-Pierre, t'as bien conscience que si vous ne tapez pas vite, vous allez le laisser revenir ? ". Alors moi, je reviens voir le président, je lui dis : voilà ce qu'a dit Fillon, c'était très intéressant, tout le machin... Puis je lui dis : " Ce qu'il demande, c'est taper vite ". Il me dit : " Oui mais, taper vite, comment ? On peut pas, c'est la justice ". Je lui dis : " Je te le fais pas dire, c'est ce que je lui ai dit - à Fillon - "
Fillon a-t-il tenu ces propos par provocation ou parce qu'il pensait que l'Elysée pouvait effectivement accélérer les réformes ? Réponse de Jouyet : "Moi je pense qu'il y avait les deux. Un, il voulait me faire passer vraiment le message : il était très choqué de ce qu'il avait vu. Et je connais Fillon, il n'aime pas Sarkozy, mais enfin, je ne l'ai jamais vu quand même balancer sur des affaires. Là il était quand même très choqué de ce qu'il voyait, très choqué de Bygmalion (...) et très choqué de cette affaire de pénalités. Et après, la deuxième partie du déjeuner, c'était pour me faire passer : " Mais agissez ! Agissez ! Faites le truc ". Mais je lui dis : " Quoi ? La justice est indépendante ". Il pense toujours, et tout le monde pense, je vous parle très franchement, que l'Elysée a toujours une main invisible sur la justice (...) Mais là ce n'est plus le cas, je n'y peux rien ! Même les trucs de Sarkozy... C'est un grand progrès de la démocratie. Moi maintenant je vois comment les choses se passent à l'Elysée".
Sur TF1, Fillon a dénoncé une machination et réaffirmé qu'il n'avait pas tenu ces propos.
*** Source
- Gérard Davet et Fabrice Lhomme, "Fillon a prié l'Elysée de "taper" sur Sarkozy", Le Monde, 08.11.2014
_____________________________________________________