Les années Giscard d'Estaing
Le 25 Août 1976, Jacques Chirac démissionne de son poste de premier ministre. Ultime étape d'une rivalité grandissante entre lui et le président Giscard d'Estaing. Mais au-delà des circonstances politiques du moment, cette rupture a valeur de symbole : la droite est désormais bien divisée en deux courants suffisamment importants l'un et l'autre pour se partager les électeurs de droite.
Quelques mois seulement après sa démission, Jacques Chirac provoque des élections partielles pour retrouver son siège de député de Corrèze. Il est élu au premier tour en novembre 1976. Mais cette reconquête politique passe par une refondation du mouvement gaulliste.
Pour redonner du poids au mouvement gaulliste, Jacques Chirac et ses conseillers Pierre Juillet et Marie-France Garault ont souhaité transformé le parti gaulliste UDR (Union pour la Défense de la République) en un nouveau parti. Jusqu'à la présidence de Pompidou, le parti gaulliste avait pour vocation à soutenir la politique du président. Mais puisqu'il n'y avait plus de président gaulliste, il fallait regrouper les gaullistes autour d'une personnalité, en l'occurence Jacques Chirac. Ce nouvel élan a pris la forme de la création du RPR (Rassemblement pour la République). Cette création s'est faite en deux étapes : en octobre, puis en décembre. En octobre 1976, lors d'un discours connu sous le nom de « l'appel d'Egletons », Jacques Chirac entend rassembler sous son nom une alliance pour la défense de l'autorité de l'Etat et de la nation française. Ce discours est perçu comme une défiance à l'égard de l'actuel président, Valéry Giscard d'Estaing. Deux mois plus tard, le 5 décembre 1976, Jacques Chirac organise un grand congrès à Paris où plus de 60 000 personnes se réunissent pour assister à la création du RPR. Ainsi, en réunissant le mouvement gaulliste autour de sa personne, Jacques Chirac se dote d'un instrument politique indispensable pour ses ambitions.
Depuis la Révolution française, Paris était une exception puisque le pouvoir de la capitale était détenu par deux préfets, le préfet de Paris et le préfet de police. Le poste de maire n'avait pas été créé en raison des risques d'agitation parisienne, agitation confirmée par les événements de mai 1968, et de la trop grande importance qu'aurait le maire de Paris sur la scène politique. Jusqu'en 1977, c'est donc l'Etat lui-même, par le biais des préfets, qui administrait la capitale. Mais de ce fait, en l'absence d'élections politiques démocratiques, la gestion de la capitale était soumise à un appareil administratif inefficace. Dans sa logique d'accorder plus de place à la démocratie, Valéry Giscard d'Estaing a donc modifié le statut de Paris et instauré l'élection d'un maire au suffrage universel.
Lorsqu'il était premier ministre, Jacques Chirac avait fait savoir qu'il était hostile à cette réforme, de peur de voir le maire de Paris venir contester l'autorité du chef de gouvernement. Mais une fois qu'il a démissionné de son poste de premier ministre, il a vite compris que la mairie de Paris pouvait être une vitrine importante et un instrument de sa reconquête du pouvoir. C'est donc en toute logique qu'il se présente aux premières élections municipales de Paris en 1977. Du côté des Giscardiens, c'est un proche du président, Michel d'Ornano, qui présente sa candidature en l'annonçant du palais de l'Elysée pour bien montrer que c'était le candidat du président. La campagne électorale se déroule dans un climat très violent entre chiraquiens et giscardiens. Finalement, Jacques Chirac sort vainqueur de cette bataille et est élue maire de Paris le 25 mars 1977.
Face au renouvellement du mouvement gaulliste et à l'hostilité affichée de Jacques Chirac, Giscard d'Estaing est obligé de réagir. Puisqu'il n'avait pu « giscardiser » le parti gaulliste de l'UDR, il lui fallait donc créer son propre parti. Avant la création de ce nouveau parti, Giscard d'Estaing souhaitait d'abord en fixer les principales idées, une base théorique. C'est la raison pour laquelle il publie en octobre 1976 un manifeste politique sous le titre de Démocratie Française. C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République qu'un président en exercice publie un livre. Très vite, l'ouvrage est un succès d'édition puisque plus de 800 000 exemplaires ont été vendues en l'espace de quelques semaines. Dans cet ouvrage, il défend une société démocratique moderne, où l'exercice du pouvoir se fait dans la transparence, avec une économie performante et une croissance qui profite à tous, et notamment à la classe moyenne. Les principales valeurs à défendre sont donc la démocratie, la liberté par le biais d'une politique économique et sociale rassurante, et une politique étrangère dont tous les efforts doivent être concentrés dans la construction européenne.
Les principales valeurs étant fixées, il lui faut alors créer la structure politique. Lors de son élection en 1974, il s'était appuyé sur le petit groupe des Républicains Indépendants. Mais c'était insuffisant pour tenter de rivaliser avec le mouvement gaulliste. L'idée originale de Giscard d'Estaing est donc de tenter de fédérer différents groupes centristes et libéraux déjà existants : les clubs « Perspectives et Réalités », le Centre des Démocrates Sociaux (CDS) de Jean Lecanuet, le parti radical de Jean-Jacques Servan-Schreiber et les Républicains Indépendants qui se sont retroupés au sein du Parti Républicain (PR). Toutes ces formations politiques se regroupent au sein d'une fédération en février 1978, appelée l'UDF (Union pour la Démocratie Française) qui rappelle le titre de l'ouvrage de Giscard d'Estaing.