Les années Giscard d'Estaing
Lors des élections municipales de 1977, la victoire de Jacques Chirac avait masqué la déroute de la droite sur l'ensemble du territoire. Beaucoup de villes ont basculé à gauche : sur les 220 villes de plus de 30 000 habitants, la gauche en avait gagné une cinquantaine. Cette victoire était notamment liée aux consignes de désistement au second tour entre communistes et socialistes. L'Union de la gauche était donc majoritaire dans le pays, ce qui était de bonne augure pour les élections législatives l'année suivante. Seulement, les résultats de 1977 étaient contrastés pour les communistes. Certes, les communistes avaient gagné plus de 20 villes de 30 000 habitants par rapport aux précédentes élections. Mais l'Union de la gauche avait davantage bénéficié aux socialistes qu'aux communistes. Ainsi, l'Union de la gauche était en train de permettre aux socialistes de dépasser les communistes, ce qui pour étaient difficilement acceptables pour ces derniers.
Face à cet affaiblissement, les communistes tentent de réagir pour éviter de se voir distancer par les socialistes. C'est sur la question du programme commun que les deux camps vont finir par s'affronter et rompre. Depuis 1972, communistes, socialistes et radicaux de gauche sont liés par la signature d'un programme commun de gouvernement qui avait permis l'Union de la gauche. Or, six ans plus tard, ce programme doit être réactualisé. Mais les communistes ont profité de cette réactualisation pour faire de nouvelles revendications afin d'infléchir ce programme commun en leur faveur. De réactualisation au départ, les revendications communistes aboutissaient à la transformation du programme dans deux domaines : il souhaitait davantage de nationalisations (contrôle d'entreprise par l'Etat) et donner davantage de pouvoir aux syndicats au sein des entreprises nationalisées. Ainsi, l'objectif affiché des communistes était de diminuer l'importance du pouvoir politique, puisque le parti socialiste était en train de le dépasser, au profit des syndicats au sein de l'entreprise, puisque la CGT y était clairement majoritaire. De fait, ce sont bien les communistes, en faisant une surenchère pour réactualiser le programme commun, qui ont poussé à l'éclatement de l'Union de la gauche. Cette rupture est officielle en septembre 1977. Pendant la campagne électorale, la polémique entre les partis s'est déplacée sur les désistements de second tour en faveur du candidat socialiste ou communiste. Pour les socialistes, le désistement devait être automatique pour faire gagner le candidat de gauche. Pour les communistes, la question du désistement était posée, quitte à faire perdre la gauche.
Au cours de l'été 1977, les différentes formations de droite s'étaient réunies : le RPR (Rassemblement pour la République) de Jacques Chirac, le Parti Républicain de Jean-Pierre Soisson (nouveau parti qui a remplacé les Républicains Indépendants de Giscard d'Estaing) et le Centre des Démocrates Sociaux de Jean Lecanuet. Tous ont convenu qu'il fallait une union à droite pour empêcher la victoire annoncée de la gauche. Des candidatures communes ont été négociées dans certains cas, dans d'autres, le désistement au second tour au profit d'un des candidats de la droite devait être la règle. Même si cet accord semblait mettre un terme aux divisions à droite, le rapport de force entre ces formations politiques tournait à l'avantage au RPR. Ainsi, dans ce cas de figure, la plupart des primaires auraient été gagnées par le RPR de Jacques Chirac, ce qui était difficilement acceptable pour le président Valéry Giscard d'Estaing. C'est la raison pour laquelle, parallèlement à ces négociations pour les élections législatives, des discussions impulsées par Giscard avaient lieu entre les différentes composantes de droite, hors RPR, pour tenter un rapprochement. Ces discussions ont abouti à la création en février 1978 de l'UDF (Union pour la Démocratie Française) regroupant tous les non-gaullistes, c'est-à-dire les centristes et les libéraux, sous l'autorité de Giscard d'Estaing. Pour Jacques Chirac et le RPR, la création de l'UDF est une trahison et remet en cause les accords à droite. De fait, les gaullistes avaient l'intention de présenter davatage de candidats que prévus. Par conséquent, l'ambiance à droite n'était guère meilleure qu'à gauche.
Les résultats du premier tour ont révélé que la France était divisée en 4 forces politiques. Le parti socialiste et les radicaux ont recueilli 24,9% des voix, l'UDF de Giscard 23,8%, le RPR de Chirac 22,8% et le Parti Communiste 20,6%. Pour la première fois lors d'une élection à l'échelle nationale, les socialistes arrivaient en tête. Au total, les forces de gauche obtenaient 50,2% des voix. Malgré ce succès, les résultats sont en deça de ce qu'avaient prévu les sondages. La droite a bénéficié d'une forte mobilisation de l'électorat et l'UDF a récupéré des voix aux socialistes, comme si, à la dernière minute, les électeurs de la gauche modérée avaient plutôt préféré les centristes de l'UDF aux socialistes du PS. Toujours est-il que les deux grands partis qui sortent vainqueurs du premier tour sont le PS et l'UDF qui a réalisé un score supérieur au RPR de Jacques Chirac.
Alors que la gauche arrivait en tête au premier tour, la clé du succès du second tour résidait dans les reports de voix, les candidats éliminés appelant à voter pour leur camp, gauche ou droite. Or, à gauche, les divisions entre les communistes et les socialistes s'étaient exprimées de manière si virulentes pendant la campagne que les reports de voix pour les uns et les autres ont très mal fonctionné. Par ailleurs, l'électorat socialiste et l'électorat communiste étaient clairement différents, alors que socioligiquement, les électeurs de droite UDF et RPR sont sensiblement identiques. Il était donc plus facile pour un électeur de l'UDF de voter pour un candidat RPR que pour un électeur communiste de voter pour le candidat socialiste. De fait, au second tour, la majorité sortant l'a largement emporté : elle a obtenu 291 sièges à l'Assemblée contre 200 à la gauche. De toute évidence, les candidats communistes n'avaient pas obtenu le soutien des électeurs socialistes. D'ailleurs, un sondage SOFRES de l'époque a révélé que dans le cas d'un duel Parti Communiste / UDF, sur 100 électeurs socialistes, 65 avaient voté pour le candidat communiste et 23 pour celui de l'UDF.
Finalement, la droite a donc remporté les élections, et Giscard d'Estaing, grâce au succès de l'UDF en est sorti renforcé, il pouvait terminer son septennat avec une majorité de droite à l'Assemblée Nationale.