Les années Pompidou
A droite, la candidature de Georges Pompidou apparaît comme naturelle. Depuis plusieurs années, Pompidou est désigné comme l'héritier du général De Gaulle. Ses négocations réussies en mai 1968 et la campagne victorieuse des législatives de 1969 menée par lui en font le leader naturel des Gaullistes. Mais ce n'est pas le candidat unique. Alain Poher, président du sénat et président de la République par intérim, centriste, se présente également, poussé par une série de sondages très encourageants. A la mi-mai 1969, un sondage IFOP le crédite de 39% des intentions de vote au premier tour, juste derrière Georges Pompidou. Et dans le cas d'un second tour Pompidou-Poher, le sondage précise que Poher l'emporterait avec 56% des voix. Il n'en faut pas plus pour Alain Poher pour se porter candidat face à Pompidou.
En 1965, François Mitterrand était le candidat unique de la gauche. Quatre ans plus tard, la situtation lui est beaucoup moins favorable. Depuis les événements de mai 1968, la gauche est profondément divisée. La maladresse de Mitterrand qui a consisté à se présenter comme un recours pendant les événements de mai 1968 a été mal perçue dans l'opinion et au sein des partis de gauche. Sa volonté de récupérer le mouvement étudiant et sa déclaration de candidature faite rapidement sans concertations ont terni son image. En outre, la SFIO (Section Français de l'Internationale Ouvrière, c'est-à-dire les socialistes) qui n'avait pas présenté de candidat en 1965, souhaite ne pas laisser passer son tour. Ainsi, Gaston Deferre, maire de Marseille, se fait désigner comme candidat de la SFIO à l'élection présidentielle. La candidature de cet homme au profil plutôt centriste, est aussitôt rejetée par les partisans de Mitterrand et les communistes qui se lancent alors à leur tour avec la candidature de Jacques Duclos. Enfin, deux autres candidats de gauche se présentent : Michel Rocard, candidat du PSU (Parti Socialiste Unifié) et Alain Krivine, leader du parti d'extrême gauche Ligue Communiste. Divisée, la gauche ne semble pas en mesure de perturber l'affrontement entre les deux candidats de droite : Georges Pompidou et Alain Poher.
Les premiers sondages donnent Alain Poher vainqueur. Mais la très bonne campagne de Georges Pompidou va inverser la tendance. L'ancien premier ministre va mener campagne en pointant les faiblesses de son principal adversaire et en faisant de remarquables prestations lors d'émissions télévisées. Sous le slogan « Le changement dans la continuité », il reconnaît lors de la campagne qu'il faut changer la manière de présider. Avec De Gaulle, le président avait un rôle d'arbitre, souvent jugé trop lointain aux yeux de la population. Pompidou fait donc une campagne de proximité, développe des thèmes proches des Français et la conception d'un président soucieux des problèmes quotidiens. En outre, il bénéficie de la faiblesse de ses adversaires qui font une mauvaise campagne.
A gauche, Gaston Deferre montre très vite ses limites. Ses piètres prestations télévisées révèlent son manque de charisme. Il commet également une erreur stratégique en révélant le nom de son futur premier ministre, Pierre Mendès-France, en cas de victoire. Désormais deux à faire campagne, la presse s'interroge sur celui qui serait le véritable chef de l'exécutif, Deferre étant de plus en plus effacé. Cette campagne à deux, avec un Pierre Mendès-France perçu comme un homme de la IVe République, provoque une chute du candidat Deferre dans les sondages, passant de 24% à 5% des intentions de vote à la veille du scrutin. Enfin, à droite, celui qui faisait la course en tête, Alain Poher, montre ses limites pendant la campagne. Restant flou sur ses intentions, il refuse de dire si en cas d'élections, il s'appuierait sur des partis de gauche ou de droite. Ajouté à cela de mauvaises prestations télévisées, la candidature de Poher s'effondre également dans les sondages. La victoire de Pompidou est en marche.
Lors du premier tour du scrutin, Pompidou récolte 43% des voix, contre seulement 23% pour Alain Poher et 5% pour Gaston Deferre. Seul le bon score du communiste Jacques Duclos avec 21% des suffrages constitue la surprise de ce premier tour. Lors du deuxième tour, les communistes qui peuvent faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre appellent à s'abstenir. Le face à face entre Alain Poher et Georges Pompidou tourne donc logiquement à l'avantage de ce dernier. Georges Pompidou est élu président de la République avec 57% des voix.