Simone Veil accepte de se raconter à la première personne dans son ouvrage intitulé Une vie. Retour sur le parcours d'une femme politique atypique.
Simone Jacob est née le 13 juillet 1927, à Nice, elle est la cadette
d’une famille juive de quatre enfants. Elle a reçu une éducation
rigoureuse, intellectuelle et laïque. Ses parents se sont mariés en
1922. Son père, André Jacob, a 32 ans, sa mère, Yvonne Steinmetz,
21 ans. André Jacob a connu la captivité pendant la Première
guerre mondiale. Par la suite, il devient architecte. Yvonne Steinmetz, en se
mariant est priée d’abandonner ses études de chimie qui lui
tenaient à cœur. Par la suite, elle éduqua ses filles en leur
montrant l’importance d’avoir un métier et être indépendante
quelle que soit la situation de son époux. André Jacob, de son côté,
a à cœur d’élever ses enfants dans la culture juive,
non pas par revendication religieuse mais culturelle. Selon lui, le peuple juif
est le peuple élu, le peuple du Livre, de la Pensée et de l’Ecriture.
Alors que le couple et vit à Paris, André Jacob décide de
partir à Nice pour faire fructifier ses affaires. C’est une erreur
: la crise de 1929 et le choix même de la ville plongent la famille dans
une période plus précaire qu’à Paris.
Dans les années 1930, la montée du nazisme inquiète les Français.
De nombreux juifs allemands se réfugient à Nice. Quand la gestapo
débarque dans la ville en septembre 1943, la famille Jacob s’organise
: elle se fait faire de faux papiers d’identité et décide
de se séparer. L’une des filles, Denise, s’engage dans le mouvement
de Résistance, Le Franc-Tireur, dans la région lyonnaise. Les autres
membres de la famille se réfugient chez différents amis. Malgré
tout, au lieu de se tenir cachés, ils continuent à mener leurs activités
habituelles. Ainsi, Simone Jacob passe-t-elle son baccalauréat sous son
propre nom. Le lendemain, 29 mars 1944, elle fête la fin des examens avec
ses amis mais se fait contrôler par deux Allemands en civil. Elle est aussitôt
arrêtée. Voulant prévenir sa famille, elle commet une erreur
: elle envoie un ami retrouver sa sœur. Il est suivi par la gestapo qui en
profite pour embarquer sa sœur Milou, son frère Jean et sa mère.
Après avoir séjourné à Drancy, les trois femmes sont
envoyées à Auschwitz, tandis que son père et son frère
sont envoyés en Lituanie. De ce convoi, toute sa famille périt excepté
sa sœur Milou et elle-même.
A leur retour, Milou et Simone Jacob retrouvent leur sœur Denise. Toutes
trois sont accueillies chez leur oncle en Suisse. Mais Denise, très indépendante
est partie travailler à Londres. Par la suite, Simone Veil, arrivée
à Paris, décide d’entreprendre des études de droit.
Elle entre également à l’Institut des Sciences politiques
où elle fait la connaissance du maître de conférence Michel
de Boissieu. C’est au cours de vacances au ski, qu’elle rencontre
un autre étudiant de Sciences Po, Antoine Veil. Très vite, en octobre
1946, le couple nouvellement formé se marie. Ils ont trois garçons
nés respectivement en 1947, 1949 et 1954. Michel de Boissieu est à
cette époque chef de cabinet de Pierre-Henri Teitgen, vice-président
du Conseil en 1947. Il propose alors à Antoine Veil un poste d’attaché
parlementaire au Conseil de la République (c’est-à-dire au
Sénat). En 1950, on lui offre une nouvelle fonction : il entre au cabinet
d’Alain Poher ce qui sous-entend que toute la famille Veil doit muter pour
trois ans en Allemagne, période pendant laquelle, le couple prépare
différents concours. En 1953, Antoine Veil est intégré à
l’ENA. Simone Veil veut dans un premier temps s’inscrire au barreau
pour devenir avocate. Son époux souhaite qu’elle élève
ses enfants. Après négociations, elle décide de passer le
concours de magistrature. En mai 1954, inscrite au parquet général,
elle est attachée stagiaire.
En 1954, comme l’Ecole nationale de la magistrature n’existe pas encore,
pour devenir magistrat, li faut d’abord exécuter différents
stages, notamment au parquet pendant deux ans. A l’issue de cette période
de formation, Simone Veil est reçue au concours. Elle est alors affectée
à la direction de l’administration pénitentiaire. Elle occupe
ce poste pendant sept ans. Au cours de ses contrôles dans les prisons, elle
se rend compte des conditions de vie déplorables des détenus. Or,
à cette époque, les médias comme l’opinion publique
ne s’intéressent guère au problème, voire estiment
que ces détenus ont mérité ce traitement. Par conséquent,
un budget trop restreint pour faire de réelles réformes est consacré
aux prisons empêchant d’améliorer la situation.
Observant également que la santé des détenus est préoccupante,
la magistrate demande à ce qu’un camion radiologique passe dans tous
les centres pour dépister les maladies, et crée également
des centres médico-psycologiques au sein des maisons d’arrêt.
Enfin, quelques bibliothèques et structures scolaires y sont ouvertes.
Simone Veil doit s’occuper d’un dossier très délicat
: celui du sort des prisonniers en Algérie. Elle se rend donc sur place
mais est très mal accueillie par les responsables pénitenciers.
Le problème est compliqué : il s’agit de savoir si l’on
garde prisonnier des centaines de personnes condamnées à mort alors
que le Général de Gaulle a suspendu leur exécution en 1958.
Pour trouver un compromis, ces détenus ont été transférés
en métropole. En ce qui concerne le sort des femmes algériennes,
la magistrate a demandé à ce qu’elles soient regroupées
dans le même centre et puissent bénéficier de cours.
Pour des raisons familiales, Simone Veil doit changer de poste. René Pleven
lui propose alors le secrétariat de la commission d’étude
sur l’adoption. Le garde des Sceaux, Jean Foyer, lui donne la Direction
des affaires civiles. Quand René Pleven devient ministre de la Justice,
dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, elle devient conseiller technique
à son cabinet. Elle est ainsi chargée de travailler avec le Parlement.
Mais, le travail est harassant alors au bout d’un an, elle accepte le poste
de secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature, poste proposé
par Georges Pompidou. Cette fonction lui laisse du temps libre qu’elle met
à profit pour représenter la chancellerie dans les commissions du
Conseil de l’Europe. Elle est également nommée comme administrateur
à l’ORTF pour y représenter l’Etat.
Quand Georges Pompidou est élu chef du gouvernement, sa femme demande à
Simone Veil d’être secrétaire générale de la
fondation pour handicapés et personnes âgées qu’elle
a fondée. Depuis, elle n’a pas abandonné ce poste.
La politique passionne le couple Veil qui commence donc à fréquenter
les centristes du Mouvement républicain populaire (MRP). Ils attendent
beaucoup de l’émergence du nouveau magazine qu’est L’Express,
et d’une troisième force politique venant contrer les idées
manichéennes de la gauche et de la droite. Le couple se sent proche de
personnalités comme Raymond Aron, qui selon lui, a une vision plus objective
et réformatrice du pays que les deux grands partis.
En 1974, tandis que Georges Pompidou est au plus mal, la campagne présidentielle
est lancée. Simone Veil et son mari apportent aussitôt leur soutien
à Jacques Chaban-Delmas. Mais, échouant au premier tour, il apparaît
au couple Veil que seul Valéry Giscard d’Estaing est le seul authentique
réformateur tandis que François Mitterrand ne lui inspire que de
la méfiance. Tandis qu’au second tour, Simone Veil est tentée
de s’abstenir de voter. C’est son fils cadet qui s’étonne
de son attitude et l’enjoint de choisir son candidat. Président,
Giscard d’Estaing nomme Jacques Chirac comme Premier ministre. Celui-ci
désigne plusieurs femmes pour faire partie de son équipe. Simone
Veil est nommée ministre de la Santé. Elle travaille ainsi de concert
avec le ministre de l’Intérieur, Michel Poniatowski. Celui-ci l’avait
précédée au poste de la Santé et avait déjà
réfléchi au problème de l’avortement clandestin.
Elle doit s’occuper de plusieurs grands chantiers comme celui de la rénovation
des établissements pour les personnes âgées. Jusqu’alors,
le problème des conditions de vie de ces gens vieillissants n’avait
pas été pris suffisamment au sérieux.
Par la suite, elle a dû mener un véritable combat pour faire voter
la loi sur l’avortement. A cette époque, le milieu de la santé
y était fortement opposé. En 1973, le Parlement avait rejeté
le projet. Ce texte ne prévoyait que l’avortement en cas de danger
pour la mère ou du fœtus. Finalement, après avoir consulté
l’Eglise de France, les médecins et différentes corporations,
Simone Veil est parvenue à faire accepter l’idée que l’on
puisse se faire avorter légalement en France. Le texte de loi a été
voté le 29 novembre 1974 par 284 voix contre189.
En juin 1979, Valéry Giscard d’Estaing lui demande de mener la liste
de l'UDF aux premières élections du Parlement européen, elle
qui défend les valeurs de l’Europe. Elle devient alors présidente
du premier parlement européen. Elle est chargée de faire adopter
un texte par le Parlement sur ma réforme des études médicales.
En tant que parlementaire européen, elle a participé à plusieurs
missions dans l’ex-Yougoslavie.
En janvier 1982, elle abandonne la présidence. Au cours de sa carrière
politique, elle a toujours combattu la montée de l'extrémisme, le
terrorisme, les alliances locales avec le Front national.
En 1984, elle se présente de nouveau au Parlement européen mais
la liste unitaire réunit RPR et UDF. Mais plutôt que de s’unir
pour des idées politiques, les deux partis visent des objectifs à
court et moyen terme. Simone Veil affirme regretter le déroulement de ce
nouveau mandat où RPR et UDF au lieu de travailler ensemble, préfèrent
prendre leur distance l’un de l’autre. Les années passant,
l’investissement des Français dans l’Europe n’a cessé
de décroître, les enjeux étant avant tout de mettre en avant
les leaders français et non des idées et des projets. Au moment
de la chute du mur de Berlin, le Parlement européen a eu à réfléchir
au devenir de l’Allemagne de l’Est dans l’organisation de l’Europe.
Le 30 mars 1993, alors que Simone Veil doit partir pour la Namibie pour assister
à un colloque sur le Sida et y représenter le Parlement européen,
le Premier ministre, fraîchement nommé, Edouard Balladur lui téléphone
pour lui proposer d’entrer dans son gouvernement en tant que ministre de
la Santé et des Affaires sociales. Elle a demandé à Balladur
de lui donner également le ministère de la Ville. Elle est chargée
de plusieurs dossiers comme le déficit de la Sécurité sociale,
la carte hospitalière… Selon elle, les problèmes dans ce domaine
sont de toutes sortes : la gestion des hôpitaux, l’exonération
des cotisations sociales…
En 1995, lors de la campagne présidentielle, sans hésitation, Simone
Veil décide de soutenir la candidature d’Edouard Balladur. Selon
elle, la cohabitation ayant été difficile, le bilan du Premier ministre
est plutôt satisfaisant.
Sollicitée par Alain Juppé, elle préside le Haut Conseil
à l'intégration. Sa fonction consiste à faire des propositions
au sujet des questions d’égalité des chances. Quand la gauche
est revenue au pouvoir, elle a dû quitter son poste.
En novembre 1997, René Monory, président du Sénat, la fait
entrer au Conseil constitutionnel pour un mandat de neuf ans. Elle prête
serment le 3 mars 1998 et est soumise à un devoir de réserve sur
les travaux du Conseil comme sur la vie politique française. L’objectif
du Conseil est de mener une réflexion sur le droit et la politique. Il
faut également anticiper ce que les textes de loi deviendront dans la pratique,
vérifier leur conformité avec la Constitution…
En parallèle, elle préside des associations défendant la
construction européenne. Au printemps 2005, elle déclenche la polémique
en encourageant les Français à voter « oui » à
la Constitution européenne alors qu'un droit de réserve lui est
imposé en tant que membre du Conseil constitutionnel. Elle se retire donc
du Conseil le temps de la campagne pour le référendum.
Tandis qu’en début de carrière, elle a soutenu la candidature
de Jacques Chaban-Delmas puis participé au gouvernement de Giscard d’Estaing,
elle s’est toujours distinguée par ses prises de position opposées
aux majorités censées la défendre. Elle n’a donc pas
d’étiquette et a déclaré à l’émission
de télévision, L’Heure de vérité, qu’elle
est « à gauche pour certaines questions, à droite pour d’autres
». Quand Jacques Chirac a créé le RPR pour contrer Giscard
d’Estaing et se présenter à l’élection présidentielle
sous cette nouvelle étiquette, il a demandé à Simone Veil
de le rejoindre. Celle-ci a refusé, suscitant ainsi la fureur du futur
président de la République.
Après la défaite d’Edouard Balladur, en 1995, à l’élection
présidentielle, Simone Veil décide d’adhérer à
un parti. Elle choisit l’UDF par fidélité à ses principes
: nécessité de la construction européenne, dimension réformiste
et sociale de l’action à mener. Néanmoins, elle ne participe
que peu aux réunions qui définissent essentiellement la stratégie
politique à adopter. Cette adhésion est de courte durée.
En novembre 1997, lors d’un débat sur le Front national et l’immigration,
elle se dispute violemment avec François Bayrou au point de claquer définitivement
la porte de l’UDF.
Le 9 mars 2007, jour de la journée des Femmes, Simone Veil a annoncé
officiellement qu’elle soutenait la candidature de Nicolas Sarkozy (UMP)
au détriment du candidat centriste, François Bayrou.
Ce ralliement a deux explications : d’abord, il s’agit d’une
femme libre, de droite, mais qui n’appartient à aucun parti. Le
soutien à Sarkozy plutôt qu’à Bayrou illustre cette
liberté de choix et surtout une vive opposition à l’égard
de celui qui l’a presque mis à la porte de l’UDF et qu’elle
juge trop arriviste.
C’est tout le paradoxe de cette personnalité si complexe, Simone
Veil a mené d’importants combats, fait avancer les mœurs en
légalisant l’avortement, elle a pris des positions souvent proches
de la gauche. Dans les gouvernements de Chirac ou de Balladur, elle incarnait
la fibre sociale. Mais Simone Veil, malgré ce parcours atypique, reste
une femme de droite. Et à ce titre, elle ne cautionne pas l’ouverture
de Bayrou vers la gauche. Le jour de son ralliement, elle a d’ailleurs
tenu des propos cinglants pour écarter l’hypothèse de la
victoire du candidat centriste : « Bayrou ne représente que lui-même
». Femme de droite, mais sans être attachée à un parti
politique, Simone Veil est une femme politique atypique.
Auteur : Simone Veil
Editeur : Stock
Date de sortie : 31 octobre 2007
Nombre de pages : 395
Prix : 22,50 euros